Acide valproïque durant la grossesse: comprendre le danger!

Des chercheurs français franchissent une nouvelle étape pour comprendre l'impact de l'acide valproïque sur le développement du système nerveux. Pris pendant la grossesse, cet antiépileptique peut provoquer des troubles du développement chez le bébé.

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Entre 17 000 et 30 000 enfants présentent, en France, des déficiences cognitives ou des troubles du spectre autistique à la suite de l'exposition in utero à l'acide valproïque (VPA). Ce médicament est notamment prescrit pour traiter l'épilepsie, la migraine ou encore les troubles bipolaires. En 2018, l'Agence européenne de médecine avait pourtant recommandé de ne plus le proposer aux femmes enceintes, consciente qu'elles couraient un risque considérablement accru de donner naissance à des enfants avec des défauts de développement. Certains bébés développent également des malformations congénitales telles que la microcéphalie (une tête anormalement petite) ou le spina bifida. Comment le VPA provoque ces anomalies au niveau cellulaire et moléculaire ? Des chercheurs français* se sont penchés sur la question. Leurs travaux sont publiés en juin 2022 dans la revue scientifique Plos Biology (étude en anglais en lien ci-dessous).

Arrêt du développement des cellules

Après avoir étudié des embryons de souris, les scientifiques ont découvert que l'acide valproïque activait un processus de sénescence des cellules du cerveau. « La sénescence est l'arrêt irréversible du cycle cellulaire, qui aboutit à la mort des cellules », précisent-ils, et est à l'origine du vieillissement des organismes. Initiée au mauvais moment, à un stade embryonnaire, elle peut donc engendrer des troubles cognitifs ou du développement neural (c'est-à-dire relatif au système nerveux). Ils ont ensuite observé des résultats similaires dans des cellules neuroépithéliales (du système nerveux central) humaines.

Identification d'une protéine clé

Pour aller plus loin et mieux comprendre comment ce processus de sénescence délétère se met en place, les chercheurs ont mené des études génétiques sur les souris et ont ainsi montré l'implication d'une protéine appelée p19Arf. Ils ont aussi mis en évidence que le déclenchement de cette sénescence dans les cellules neuroépithéliales, sous le contrôle de p19Arf, est associé à des défauts de développement du système nerveux et à la microcéphalie mais pas à d'autres anomalies, comme le spina bifida, qui sont parfois causées par le médicament. L'équipe souhaite à présent continuer à étudier la sénescence dans d'autres modèles pour comprendre le rôle de ce processus dans divers troubles du développement. « D'autres études permettront d'approfondir notre travail pour identifier d'autres mécanismes impliqués », conclut Bill Keyes, chercheur Inserm, dernier auteur de l'étude.

Les antiépileptiques mis en cause

La bataille contre le valproate de sodium (l'autre nom de l'acide valproïque) a commencé avec le scandale de la Dépakine, cet antiépileptique responsable de troubles mentaux chez 30 000 enfants environ ainsi que d'autres handicaps (articles en lien ci-dessous). En mai 2022, le groupe pharmaceutique français Sanofi a d'ailleurs été condamné par le tribunal de Nanterre à indemniser à hauteur de 450 000 euros une famille dont la fille, exposée in utero, est née en 2005 avec des malformations. Le labo ainsi que l'Etat (via l'ANSM qui, à l'époque, en 2020, est mise en examen) sont accusés d'avoir tardé à informer des risques du médicament pour les femmes enceintes. D'autres familles d'enfants lourdement handicapés ont également obtenu gain de cause en justice... Enfin, selon un communiqué de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en juillet 2022, un autre antiépileptique, le topiramate multiplierait par trois le risque d'autisme ou de déficience intellectuelle chez l'enfant à naître (article en lien ci-dessous). Il favorise également les risques de malformations (bec de lièvre, mauvais placement de l'urètre sur le pénis) ainsi qu'un poids très faible à la naissance. 

* de l'Inserm, du CNRS (Centre national de recherche scientifique) et de l'Université de Strasbourg à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC)

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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