Au début, leur fille grandissait comme les autres enfants mais, quelques mois plus tard, les premières douleurs intestinales sont apparues puis Leina s'est mise à perdre les quelques mots qu'elle venait d'acquérir... Après 18 mois d'errance médicale, le diagnostic tombe : syndrome de Rett. Cette maladie génétique rare, qui touche principalement les filles, altère le développement du système nerveux central et provoque une déficience intellectuelle et une infirmité motrice. Daniel et Sandrine sont parents de trois enfants dont Leina, lourdement handicapée. Démunis, ils frappent à la porte de plusieurs associations et découvrent un monde complexe qui regorge d'innombrables acronymes : MDPH, AEEH, PCH... Les voilà devenus aidants.
Une asso d'aide aux aidants
Comme nombre de ceux qui accompagnent un proche handicapé au quotidien, Daniel, qui envisageait de devenir intervenant musical, met sa reconversion professionnelle entre parenthèses. Sa femme et lui inscrivent d'abord leur fille dans une école privée ordinaire puis, « pour préserver sa scolarité le plus longtemps possible », optent finalement pour le public. Une étape douloureuse qui n'épargne pas le frère jumeau de Leina contraint, par souci logistique, de changer d'école, lui aussi. Après avoir consulté de nombreuses associations, Daniel et Sandrine veulent à leur tour en créer une pour soutenir les aidants qui vivent près de chez eux et éviter la solitude, souvent associée au handicap. Son nom ? « Quand un sourire suffit ».
Salariée à temps partiel, aidante à temps complet
Sandrine décide de réduire son activité professionnelle pour s'occuper de sa fille et permettre à son mari de développer son autoentreprise. Un temps « partiel » ? C'était sans compter les imprévus et les multiples rendez-vous médicaux. Les honoraires et autres factures s'accumulent, la fatigue s'installe, les pertes de mémoire se multiplient... Combien de temps cette maman va-t-elle tenir ? Prendre des vacances ? Comme pour de nombreux parents, impensable ! Leur vie est devenue une course contre-la-montre, contre la maladie, les dépenses, la culpabilité.
L'entourage : la clé ?
Ils peuvent malgré tout compter sur le soutien de leur famille qui garde leurs enfants et les rebooste en cas de besoin, et sur la bonne humeur de volontaires du monde entier accueillis chez eux par l'intermédiaire du site Workaway, qui met en relation voyageurs et hôtes en quête de nouvelles aventures. Ces belles rencontres ne font qu'agrandir un peu plus leur famille déjà nombreuse... « Quand on doit sans cesse justifier ses besoins et ceux de ses enfants, il est vraiment difficile de sortir la tête de l'eau, mais être entouré peut éviter de boire la tasse », souligne Annie Moissin, présidente fondatrice de l'association Solidarité Handicap autour des maladies rares (Solhand). Malheureusement, c'est loin d'être suffisant...
Le gouvernement se mobilise
Face au désarroi de millions d'aidants, le gouvernement a décidé d'agir et a dévoilé, le 23 octobre 2019, sa stratégie 2020-2022 sur le sujet (article en lien ci-dessous). Elle contient 17 mesures parmi lesquelles le lancement d'un plan national de renforcement et de diversification des solutions de répit ainsi que la création du congé proche aidant rémunéré à hauteur de 43,52 euros par jour pour une personne en couple ou 52 euros pour une personne isolée (article en lien ci-dessous). Le texte prévoit également l'assouplissement du congé et de l'allocation journalière de présence parentale, qui pourront être pris de manière fractionnée, par demi-journées, dès janvier 2020. Par ailleurs, les parcours professionnels de ceux qui ont dû arrêter de travailler durant longtemps seront facilités dès 2021, avec notamment un nouveau système de reconnaissance de l'expérience acquise en tant que proche aidant. Au total, une enveloppe de 400 millions d'euros -dont 105 consacrés au répit- est prévue sur trois ans. Un premier bilan sera rendu à l'occasion de la journée nationale des aidants, le 6 octobre 2020.
Mesures insuffisantes
Pour Annie Moissin, qui « se met à la place des parents d'enfants malades ou en situation de handicap qui, depuis leur naissance, luttent sans relâche dans leur quotidien », les familles comme celle de Daniel et Sandrine « ne se sentent pas concernées par ces mesures au compte-goutte ». Quand bien même, elles lui semblent « insuffisantes ». D'autant plus que, selon elle, ces aides seront accordées « en fonction de tout un tas de critères et à condition d'avoir constitué une multitude de dossiers ». Des démarches chronophages dont se passeraient bien ces familles déjà surchargées. « On parle de la population vieillissante et de la vie des personnes âgées, ce qui est, certes, totalement légitime, mais trop peu des familles confrontées aux maladies rares, dès la naissance d'un bébé, de leurs problèmes financiers, de la fratrie en détresse, de la perte d'un emploi, du couple qui explose... », regrette Annie Moissin. En attendant que le gouvernement se saisisse de la question, les familles peuvent toujours trouver du « réconfort » au sein d'associations telles que Solhand ou obtenir des conseils en ligne, notamment sur « Entre aidants », nouvelle plateforme de formation au handicap rare (article en lien ci-dessous). L'entraide, la voilà la clé ? Si seulement...