Jamais deux sans trois. Les gouvernements se suivent, les décisions du Conseil d'Etat se succèdent et, pourtant, toujours rien ! Le reste à charge sur les aides techniques est au cœur des débats depuis… 2005. Rappel des faits.
Un fonds de compensation à géométrie variable
La loi de 2005 (article L. 146-5 du CFAS code de l'action sociale des familles) prévoit en effet que « chaque Maison départementale des personnes handicapées gère un Fonds départemental de compensation du handicap (FDC) chargé d'accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge ». Ces derniers ne peuvent, dans la limite des tarifs et montants visés au premier alinéa de l'article L. 245-6, excéder 10% des ressources personnelles du bénéficiaire nettes d'impôts. Or le décret qui pourrait en définir les modalités précises et permettre son application n'est jamais sorti. Résultat ? Chaque département agit à sa guise, certains mettant en place ce fonds, d'autres non, sans aucun cadre légal commun à tous.
Plutôt payer des astreintes
Depuis 2015, l'ANPIHM (Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs) n'a cessé de mener des actions pour mettre le gouvernement face à ses engagements, allant jusqu'à porter l'affaire devant le Conseil d'Etat… qui lui a donné raison et pas qu'une fois ! Le 24 février 2016 (article en lien ci-dessous), déjà, l'autorité juridique administrative suprême enjoignait le Premier Ministre (à l'époque Manuel Valls) à publier, dans les neuf mois suivants, ce décret attendu depuis onze ans, sous peine de devoir verser une astreinte à l'association. Silence radio ! « Le Gouvernement a préféré payer cette astreinte en mars 2017 », précise l'ANPIHM.
Et de trois !
Nouvelle tentative deux ans plus tard ! L'Etat est condamné à régler une nouvelle astreinte le 24 octobre 2018, de 100 euros par jour. Même sanction, même (absence de) réaction. Pourtant, en novembre 2020, il promettait une publication du décret avant la fin de l'année. Face à cette inertie, le Conseil d'Etat réitère donc sa décision le 21 mai 2021 (CE, 1re ss-sect. jugeant seule, n° 383070) condamnant l'Etat à payer les sommes de l'astreinte portant sur la période du 16 octobre 2018 au 6 mai 2021, soit au total près de 100 000 euros en faveur des plaignants, dont l'ANPIHM et la fondation MMA solidarité. Il décide également de majorer le taux de l'astreinte à 250 euros par jour de retard à compter du 6 mai.
L'ANPIHM déplore que cette situation « pénalise depuis des décennies les personnes ayant une nécessité absolue de recourir à l'acquisition, par exemple d'un fauteuil roulant, en leur laissant un reste à charge variant de 50 à 80 %, et plus lorsqu'elles ne disposent pas d'une mutuelle, ce qui est d'ailleurs le cas le plus fréquent ». Son président, Vincent Assante, précisant néanmoins que « la vraie solution serait de revoir à la hausse la nomenclature de remboursements de la Sécurité sociale pour mieux prendre en charge certains matériels ».
Faut-il y voir un lien de cause à effet, le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) met en place, au même moment, un groupe de travail sur ce sujet… Va-t-on, cette fois-ci, enfin toucher le « fonds » ?