Annonces CNH : quelles mesures pour l'emploi à venir?

Les ministres du Travail et du Handicap ont visité une entreprise adaptée le 22 mai 2023. Le 1er déplacement après la CNH est l'occasion de rappeler les mesures phares pour l'emploi. Annoncées comme inédites, la plupart ne le sont pas.

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« Quand on a un handicap invisible comme le mien, l'accès à la formation puis à l'emploi est très compliqué. » Déficiente visuelle, Jeanne se réjouit d'avoir quasiment « trouvé un centre de formation adapté » pour passer son diplôme d'assistante administrative et ensuite exercer son métier. Ce dénouement, elle le doit à Log'ins, contraction de « logistique » et « insertion ». Fondée en 2011 par le groupe GXO, acteur mondial de la logistique et Ares, spécialiste de l'insertion en Ile-de-France, cette entreprise adaptée a accompagné plus de 1 000 personnes en situation de handicap depuis sa création. D'après Yves de Beauregard, directeur Ile-de-France de Log'ins, « 75 % d'entre elles ont trouvé un emploi durable ou une formation qualifiante » via ce type de CDD tremplin, des passerelles vers le milieu ordinaire. Une « nouvelle forme d'accompagnement social sur-mesure » pour des salariés éloignés de l'emploi, portée aux nues par le gouvernement.

Trouver un emploi durable

Deux de ses ministres, Geneviève Darrieussecq, déléguée au Handicap, et Olivier Dussopt, en charge du Travail, ont visité le troisième entrepôt de l'entreprise, lors de son inauguration officielle le 22 mai 2022, à Lieusaint (Seine-et-Marne). Cinquante salariés en insertion professionnelle s'activent au transit de colis. Il s'agit du tout premier déplacement interministériel après la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023, à l'Elysée. Lors de son discours, le ministre du Travail a rappelé le « cap fixé en 2018 par l'Etat vers l'entreprise inclusive », même s'il a convenu qu'il « restait beaucoup à faire ». Il a rappelé que, parmi les plus de « 70 annonces fortes » énoncées par Emmanuel Macron, dix-sept concernent le volet professionnel, articulées en huit objectifs. Toutes apparaissent dans le très attendu projet de loi pour le « plein emploi » qui sera présenté à l'Assemblée nationale en juin 2023.

Quelles mesures annoncées ?

Dans le détail… La Reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) sera attribuée automatiquement par les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) (ce qui est déjà le cas) mais, pour accélérer l'accès à l'emploi, cette demande sera « dissociée de l'étude des autres droits » avec l'envoi d'une pré-notification ; pour leur part, les personnes titulaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'incapacité disposeront des droits liés à la RQTH sans passer par la MDPH. C'est aussi une majoration du plancher de la rémunération des apprentis en situation de handicap de plus de 30 ans qui est prévue, ainsi que des primes à l'apprentissage de l'Agefiph (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans le privé) pour les adultes. Autre mesure, qui sera généralisée après une première expérimentation en Occitanie : une plateforme de prêt de matériel, déployée dans chaque région par l'Agefiph et le Fiphfp (Fonds pour l'insertion dans le public).

Une « simplification » toute relative

Par ailleurs, « la logique de l'orientation évoluera », assure l'Etat, qui va confier davantage de prérogatives aux équipes handicap de Pôle et Cap emploi, allégeant dans le même temps les missions des MDPH, une mesure prévoyant qu'elles « informeront systématiquement le service public de l'emploi de l'octroi d'une RQTH », quitte à ce que ce caractère « systématique » fasse grincer quelques dents… Pour ce qui est des ESAT (Entreprises et services d'accompagnement par le travail), les MDPH « notifieront l'orientation sur recommandation du service public de l'emploi (ex-Pôle emploi, futur France travail) après élaboration du projet professionnel ». Alléger, vraiment ? Dans les faits, la personne devra passer par la MDPH pour obtenir sa RQTH puis par les services publics qui produiront leurs recommandations, avant, éventuellement, de revenir par la case MDPH pour une possible orientation en ESAT. Alambiqué…

Autre mesure actée, la « convergence des droits sociaux des travailleurs en ESAT vers celles des salariés » annoncée pour 2024-25. Celle-ci était déjà prévue par le décret du 13 décembre 2022, avec comme principale évolution la possibilité d'exercer simultanément et à temps partiel une activité au sein d'un ESAT et en milieu ordinaire (Lire : Décret paru : nouveaux droits pour les travailleurs d'ESAT!). Par ailleurs, une réflexion sera lancée sur l'évolution de la rémunération de ces travailleurs et le bénéfice de l'assurance chômage.

Du réchauffé ?

Pour la majorité des mesures, censées voir le jour entre 2024 et 2025, rien de nouveau sous le soleil ; il s'agit davantage d'un « renforcement » de mesures déjà annoncées depuis plusieurs mois, en cours ou en projet. Pour certaines restées sans effet… Le gouvernement réitère avec insistance son souhait de « faciliter la reprise d'activité en milieu ordinaire », en misant notamment sur les entreprises adaptées de travail temporaire et le CDD tremplin, qui seront, par ailleurs, « intégrés dans le code du travail » ; des dispositifs déjà existants comme le prouve la société Log'ins, née en 2011.

Même chose pour le cumul de l'Allocation adulte handicapé (AAH) et d'une activité professionnelle, étendu à ceux qui reprennent une activité en milieu ordinaire au-delà d'un mi-temps. Le gouvernement réaffirme, par ailleurs, la « majoration tarifaire » pour les organismes de formation qui adaptent leurs cursus aux personnes en situation de handicap, déjà en place, notamment depuis la loi « Avenir professionnel » de 2018. Idem pour l'accompagnement des publics en situation de handicap par des équipes de Pôle et Cap emploi, une évolution des sites d'offres d'emploi dédiés à ce public ou encore le rendu prochain d'un décret pour « légitimer la fonction de référent handicap dans les entreprises ». C'est aussi la portabilité des équipements de compensation qui sera rendue possible pour éviter un risque de rupture à l'occasion d'une mobilité professionnelle. La liste des catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières (ECAP), dans les tuyaux, doit, enfin, être revue… à condition que les partenaires sociaux parviennent à trouver un compromis. Enfin, plusieurs leviers seront mobilisés à partir de 2024 pour l'insertion des agents en situation de handicap dans la Fonction publique, même si la plupart sont déjà en place.

Quelles réactions des associations ?

Réactions des associations ? Des avis en demi-teinte (Lire : CNH : mesures intéressantes mais pas la refondation espérée ). Si certaines saluent de « bonnes intentions » et « des mesures intéressantes » telles que l'attribution des droits de tous les salariés aux travailleurs d'ESAT, la plupart, comme la Fnath (Fédération des accidentés de la vie) restent sur leurs gardes et attendent de voir ces engagements traduits en actes. D'autres, par exemple APF France handicap ou LADAPT, se montrent plus critiques, notamment sur le sujet du cumul de l'AAH et d'une activité professionnelle ; LADAPT déplore en particulier les contraintes administratives dissuasives que connaissent tous les trimestres les personnes qui cumulent un salaire à temps partiel et l'AAH. Plus globalement, ces associations admettent qu'Emmanuel Macron a « posé un diagnostic plus réaliste sur la situation », sans pour autant engager le « changement de paradigme » et la « refondation de la politique française du handicap à la hauteur des enjeux sociétaux ».

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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