Le décret ESAT était « attendu » depuis plusieurs mois, il est enfin publié au Journal officiel le 14 décembre 2022, sous le n°2022-1561. Il entend construire un parcours professionnel plus fluide et personnalisé pour les 120 000 travailleurs présents dans 1 500 ESAT (établissements et services d'accompagnement par le travail) en France, à travers la sécurisation des passages entre milieu protégé et ordinaire.
De nouveaux droits
Ce décret constitue la dernière étape du plan de transformation des ESAT, lancé à la suite d'une grande concertation en 2021, qui comprend dix-sept engagements et trente-et-une mesures. Quels sont ces nouveaux droits, à la fois individuels et collectifs, plus proches de ceux des salariés du milieu ordinaire ? Droits aux congés exceptionnels (en cas de décès d'un proche, de mariage, d'une naissance...), accès à la formation professionnelle, élection d'un délégué, création d'une instance mixte « Qualité de vie au travail », repos compensateur doublé en cas de travail le dimanche, doublement de la rémunération le 1er mai... Les ESAT sont également fortement incités à proposer à leurs travailleurs une complémentaire santé. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui avait donné un avis favorable à ce projet de décret, y voit une « avancée pour se rapprocher (un peu) des recommandations de l'ONU ».
Parcours pro plus fluide
Ce décret renforce par ailleurs l'accompagnement des personnes en situation de handicap dans la construction de leur parcours, « davantage fondé sur l'expression de leur propre projet », selon Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, en « augmentant les possibilités de choix professionnels ». L'orientation en ESAT devient un « parcours renforcé en emploi » et permet à la personne d'évoluer librement en ESAT, en entreprise adaptée ou en entreprise dite ordinaire. Les trajectoires sont sécurisées avec l'instauration d'un droit aux allers-retours, sans nécessité d'une nouvelle décision administrative de la MDPH. « Concrètement, les personnes peuvent désormais expérimenter l'insertion en milieu ordinaire tout en ayant l'assurance de pouvoir retrouver leur place en ESAT si elles le préfèrent ou si l'entrée en milieu ordinaire ne leur convient pas », ajoute le ministère. Pour garantir ce droit au retour, le cadre de gestion des établissements a été assoupli. L'aide au poste versée par l'Agence de services et de paiement aux établissements est désormais calculée sur une base annualisée, pour permettre aux ESAT d'optimiser la gestion de leurs effectifs.
Cumul milieu protégé et ordinaire
Toujours dans une logique de fluidification des parcours, les personnes en situation de handicap concernées ont également la possibilité, à partir du 1er janvier 2023, de cumuler une activité professionnelle à temps partiel en ESAT avec un contrat de travail à temps partiel auprès d'un employeur du milieu ordinaire. Le décret précise que cette dernière pourra être exercée dans une entreprise, une collectivité territoriale, un établissement public, une association, une entreprise adaptée ou toute autre personne morale de droit public ou privé, ainsi qu'auprès d'une personne physique, à l'exclusion de l'employeur auprès duquel le travailleur est mis à disposition (art. R243-3-1 du Code de l'action sociale et des familles modifié).
Afin de permettre aux établissements de se moderniser et se positionner sur de nouvelles activités, l'Etat a abondé en 2022 un Fonds d'accompagnement de la transformation des ESAT (FATESAT) à hauteur de 15 millions d'euros.
Poursuivre les travaux
Le réseau GESAT, tout comme APF France handicap, se félicitent de l'entrée en vigueur de ce décret, y voyant une « véritable reconnaissance pour (ce) secteur ». Néanmoins, selon APF France handicap, « certaines dispositions du décret telles que celle sur le parcours renforcé en emploi suscitent des interrogations sur leur opérationnalité ». Les deux associations disent « rester très attentives à la poursuite des travaux ministériels pour la mise en œuvre de plusieurs mesures et outils complémentaires prévus dans le cadre du plan ESAT ». C'est par exemple la création d'un simulateur de ressources, une condition jugée « nécessaire pour que les travailleurs soient sécurisés et qu'ils s'emparent de la mesure temps partiel ESAT / milieu ordinaire de travail ». Egalement en attente, l'arrêté devant fixer le cahier des charges pour la création de carnets de parcours et de compétences ; lors de chaque entretien annuel, ce carnet permettra à la personne accompagnée d'évaluer ses compétences, ses formations et expériences et d'exprimer ses souhaits pour l'année à venir. Enfin, APF France handicap espère la publication de l'appel à manifestation d'intérêt, qui doit permettre de développer des postes de chargés d'insertion professionnelle en ESAT, « afin que l'ambition de mieux accompagner les travailleurs vers le milieu ordinaire soit pleinement réalisée ».