Arnaque au travail protégé : que faire en cas de démarchage?

Le filon de la sous-traitance, une fraude bien orchestrée ? Des démarcheurs offensifs, se faisant passer pour l'Etat, mettent la pression sur les entreprises pour les inciter à passer commande auprès du secteur protégé. Deux experts alertent !

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Un homme masqué devant son ordinateur fait signe de se taire.

Sur son site, l'Agefiph met en garde : « Des individus contactent les entreprises par téléphone pour les inciter à passer au plus vite des commandes de fournitures diverses avec des structures du secteur protégé (Esat) (ndlr : ou adapté (EA)), le plus souvent fictives, afin de limiter leur contribution » à ce fonds pour l'emploi des travailleurs handicapé dans le privé.

Dans le premier volet de cette enquête, le cas d'Elodie, dirigeante d'une PME, illustre ce procédé (Lire : Contribution handicap: ces mails qui tentent de vous piéger!). Chef d'entreprise, vous y êtes confronté, que faire ? Réponses de Stéphane Clavé, directeur juridique de l'Agefiph, et Sébastien Citerne, délégué général de l'Unea (Union nationale des entreprises adaptées).

Handicap.fr : Ce genre de pratiques, c'est nouveau ?
Sébastien Citerne : Non, l'Unea les dénonce depuis très longtemps. Des menaces de contrôle par les services de l'Agefiph ou de la Direccte (direction régionale du travail) sont même parfois avancées. Il reste encore quelques « margoulins » qui ont des pratiques peu scrupuleuses et desservent l'ensemble des acteurs du secteur du handicap.

Il faut inciter toutes les entreprises à ne pas donner suite à ce genre de pratiques car les activités ne génèrent pratiquement aucun travail des salariés en situation de handicap. C'est de la vente de papeterie reconditionnée et achetée à des grossistes, de panier garni avec des produits non réalisé par des EA, de champagne…

Je rappelle que les coûts des matières premières doivent être déduits du chiffre d'affaires total réalisé. Pour se sortir du risque de sur-contribution, il existe un nombre incalculable de prestations simples (nettoyage de locaux, de vitres, traiteurs, impression de support de com...) qui peuvent être réalisées par des salariés d'EA ou des usagers d'Esat. Enfin, pour être déduites de la contribution 2023, les factures doivent être payées en 2023.

H.fr : Est-ce une pratique commerciale douteuse ou une réelle arnaque ?
Stéphane Clavé : Depuis quelques temps, de nombreux démarcheurs utilisent des techniques persuasives, insistantes, voire agressives, pour solliciter les entreprises et les duper. Ce type de mail avec un nom de domaine « doeth.info » est un moyen offensif pour tromper les entreprises sur la véracité des informations fournies et les inciter à contractualiser avec une entreprise du secteur protégé.

Pour déterminer s'il s'agit d'une « arnaque », les entreprises doivent être vigilantes en se renseignant auprès d'organismes comme l'Agefiph, l'Urssaf, l'Unea ou encore le Gesat. Il est impératif qu'elles vérifient si leur interlocuteur est bien une entreprise du secteur protégé (entreprise adaptée, travailleur indépendant handicapé, Esat) et que la proposition commerciale respecte bien la législation du code du travail sur la déduction des contrats de sous-traitance dans la DOETH (Déclaration obligatoire des travailleurs handicapés). La vigilance prime.

H.fr : Que pensez-vous du procédé en deux temps qui laisse d'abord penser qu'il s'agit un organisme officiel puis, derrière, est suivi de vente de produits ?
Stéphane Clavé
 : C'est une technique de vente que l'Agefiph n'a pas à commenter et elle ne peut se prononcer sur la fictivité du type de structures qui adresse les mails. Mais elle se doit d'alerter.

Néanmoins, le procédé utilisé, à savoir un mail donnant des informations légales sur l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, évoquant une potentielle éligibilité à une « aide à l'inclusion », amène à s'interroger sur l'interlocuteur. Si, dans le mail, aucune indication ne précise la provenance, les conditions d'éligibilité, la nature de cette aide, il faut être vigilant. D'autant plus, et c'est très important, que cette aide ne figure pas dans l'offre d'intervention de l'Agefiph, ni ne fait partie des aides étatiques. 

Sébastien Citerne : Cela peut s'apparenter à de l'arnaque, de l'abus de faiblesse.

H.fr : Quel recours pour les entreprises en cas de doute ?
Stéphane Clavé
 : Le premier est de vérifier l'identité de son interlocuteur et les informations données. Si l'entreprise se rend compte, après avoir contractualisé, et ce malgré les informations données par le démarcheur, que les conditions de déduction des contrats de sous-traitance pour l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés ne sont pas remplies, elle peut prendre des mesures judiciaires (dépôt de plainte, par exemple).

En parallèle, si le démarcheur ou l'entreprise délivrant les produits se prévaut d'un quelconque lien avec l'Agefiph, l'entreprise sollicitée doit informer notre fonds, qui mettra en œuvre tous les moyens juridiques à sa disposition, à l'instar de ce qu'il a déjà engagé, comme la fermeture forcée de sites Internet ou le dépôt de plaintes.

Sébastien Citerne : Il faut que chaque structure victime dénonce à la DGCCRF (Direction de la répression des fraudes) et à l'Agefiph.

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