En novembre 2025, le Japon accueillera pour la première fois les Deaflympics d'été, un évènement dédié aux athlètes sourds et malentendants, cinq ans après les Jeux paralympiques de Tokyo 2020, qui ont profondément changé le regard de la société nippone sur le handicap. Cette réflexion, Anne-Lise Mithout, sociologue spécialiste du Japon, la traite dans son livre Le cœur et le droit : Le handicap dans la société japonaise (Éditions Hermann). Son interview (vidéo ci-contre) est à retrouver sur Handicap.live.
« Être respectés plutôt qu'être aimés »
« La chose qui m'a le plus surprise quand j'ai commencé mes recherches sur le handicap au Japon, c'est le fait qu'il y ait des cœurs partout. » Des cœurs sous forme de logos. Le vocabulaire de l'amour y est « également très présent ». « Ce n'est pas quelque chose qui est propre aux associations. C'est vraiment ancré dans les politiques publiques pour parler du handicap. » Une référence « à la charité plus qu'aux politiques publiques », selon Anne-Lise Mithout. De nombreuses associations critiquent cette représentation « romantisée » du handicap. « Ce que les personnes handicapées demandent, ce n'est pas d'être aimées, c'est que leurs droits soient respectés », poursuit-elle.
Hérité du bouddhisme
Son ouvrage retrace l'évolution des droits des personnes handicapées au Japon sur plusieurs décennies, voire siècles. Il révèle les transformations d'une société passant d'une approche charitable et paternaliste à une revendication forte d'égalité, fondée sur la Convention de l'ONU et le droit international. Ce tournant s'accompagne de nouvelles politiques d'accessibilité et de lutte contre l'exclusion. « Historiquement, la compassion bouddhiste a ancré le handicap dans une logique d'assistance, assimilant les personnes concernées à des bénéficiaires de charité », affirme-t-elle.
Revendications pour le droit à la vie autonome
Depuis les années 1960, des associations telles que Aoi Shiba no Kai ont joué un rôle clé en dénonçant l'institutionnalisation et en revendiquant le droit à la vie autonome, à l'accessibilité et à l'éducation inclusive. Les mouvements se sont aussi opposés à l'eugénisme (Japon : le rapport sur les stérilisations forcées critiqué), obligeant l'État à réviser sa législation.
Un tournant après Tokyo 2020
Les Jeux paralympiques de Tokyo en 2020 (Paralympiques : 10 infos insolites sur Tokyo 2020) ont accéléré la visibilité du handicap et l'engagement public autour de l'inclusion. Malgré une cohabitation de l'approche du cœur et des droits, le bilan reste, historiquement « positif », selon la sociologue, marquant une avancée concrète pour l'intégration des personnes handicapées au Japon.
© Capture écran Zoom