Oubliez tout ce que vous savez sur les origines de l'autisme. Une nouvelle étude publiée dans la revue médicale Journal of medical genetics, par des chercheurs français, propose une refonte de notre compréhension de ce trouble du neurodéveloppement (TND), dont la cause demeure mysérieuse... Une piste prometteuse pour les 700 000 Français concernés ?
Remise en cause du lien direct entre génétique et autisme
« Pendant des décennies, les recherches sur les troubles du spectre de l'autisme (TSA) se sont concentrées sur des approches génétiques (Origines de l'autisme : la génétique, piste "déterminante"), laissant de côté un élément fondamental : l'impact des facteurs environnementaux in utero », expliquent les principaux auteurs de l'étude, Yehezkel Ben-Ari et Étienne Danchin. Or, « de nombreux enfants concernés ne présentent aucune anomalie génétique identifiable », pointent-ils, remettant en question l'hypothèse d'un lien direct entre génétique et autisme. De plus, « les approches utilisées pour démontrer ce lien sont discutables et dépendantes de l'environnement qui est relégué au second plan », estiment-ils.
De nombreux mécanismes d'hérédité non génétique
Dans son livre La synthèse inclusive de l'évolution : l'hérédité au-delà du gène égoïste, Étienne Danchin, directeur de recherche CNRS au laboratoire « Évolution et diversité biologique » à l'université Paul Sabatier de Toulouse, souligne que depuis plus de deux décennies, « de nombreuses découvertes montrent qu'il existe beaucoup de mécanismes d'hérédité non génétique ». Ainsi, « le fait que l'autisme semble être transmis des parents à leurs enfants ne veut pas nécessairement dire que ce trouble a une origine génétique », affirme-t-il.
Les risques environnementaux durant la grossesse sous-évalués ?
Les auteurs de l'étude rappellent que le développement du cerveau de l'enfant peut être perturbé par différents facteurs biologiques, épigénétiques et environnementaux dès sa conception. Les infections virale ou microbiennes chez la mère, le stress, les inflammations prénatales ou encore les signaux hormonaux peuvent notamment altérer les différents processus biologiques du développement et provoquer des anomalies neuronales responsables de l'autisme et d'autres troubles neurodéveloppementaux (TND), précisent-ils. « L'exposition à des substances toxiques, comme certains pesticides ou médicaments pris durant la grossesse, semblent également jouer un rôle majeur. »
Améliorer la prise en charge grâce à l'IA ?
Face à ces découvertes, l'étude insiste sur le besoin de « reconsidérer la seule approche génomique de l'autisme ». De même, la prise en charge doit également faire l'objet de changements, selon les chercheurs. « L'analyse avec l'intelligence artificielle des données normalement recueillies dans les maternités permet d'identifier, dès la naissance, les bébés à risque de TSA, ouvrant la voie à des interventions psycho-éducatives précoces capables d'atténuer les troubles et d'améliorer significativement la qualité de vie des enfants. »
« Un trouble multifactoriel nécessitant une approche interdisciplinaire »
« Il est temps de considérer l'autisme comme un trouble multifactoriel, nécessitant une approche interdisciplinaire et un suivi attentif des facteurs environnementaux dès la grossesse », exhorte le professeur Yehezkel Ben-Ari, neuroscientifique. En intégrant ces nouvelles connaissances, la recherche ouvre, selon lui, « des perspectives inédites » pour l'accompagnement des personnes avec autisme et leur famille. « Détecter plus tôt, comprendre mieux la maturation cérébrale et déterminer comment des facteurs pathologiques nombreux modifient la maturation sont les clés qui vont permettre d'intervenir efficacement » et ainsi d'optimiser la prise en charge, martèlent les scientifiques français.
Une cohorte pour identifier le rôle des facteurs environnementaux
Pour rappel, la cohorte Marianne, lancée en 2023 par les ministères de la Recherche et des Personnes handicapées, vise à identifier le rôle des facteurs environnementaux (pollution, pesticides, perturbateurs endocriniens...) dans l'autisme et les troubles du neurodéveloppement (Autisme : étude pour déterminer le rôle de l'environnement). Ce projet de recherche, qui s'accompagne d'une enveloppe de six millions d'euros, a pour ambition de suivre 1 700 femmes enceintes et leur famille, de la grossesse en passant par l'accouchement jusqu'aux six ans de l'enfant. Ce suivi « singulier, anonyme et confidentiel » comprendra des rendez-vous réguliers avec des professionnels du médico-social, des questionnaires à remplir, un suivi du développement du bébé ou de l'enfant par un psychologue, des prélèvements biologiques… Fin du suspense dans huit ans.
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