En France, produire un livre en braille coûte en moyenne 700 à 800 euros, contre… cent fois moins pour l'équivalent en version dite « classique ». Un chiffre qui interroge, à l'heure où l'accès à la lecture reste un droit fondamental pour les personnes en situation de handicap visuel. Cette réalité s'explique par une chaîne de fabrication complexe, mobilisant des savoir-faire rares et un lectorat limité.
On estime entre 10 000 et 15 000 le nombre de lecteurs braillistes en France. Si ce chiffre diminue face à la montée en puissance de l'audio, cette écriture tactile demeure indispensable pour l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et pour l'accès autonome à certains contenus, notamment scientifiques ou musicaux. « Des études statistiques ont prouvé qu'un élève qui la connaît, va faire des études plus longues », affirme Basile Mignonneau, manager du service imprimerie de l'Association Valentin Haüy (AVH). Il nous fait découvrir les coulisses de cet atelier parisien. Un reportage à découvrir en vidéo ci-contre mais aussi sur Handicap.live et les réseaux sociaux de Handicap.fr.
Une fabrication très spécifique
Avant l'impression, chaque ouvrage doit être transcrit en braille, puis relu à plusieurs reprises par des correcteurs spécialisés. L'impression repose sur l'embossage, une technique qui permet de rendre les points perceptibles au toucher. Contrairement aux livres classiques, seule une couverture en braille permet l'identification tactile. Correcteur brailliste, transcripteur, transcripteur musical… Ces professions sont aujourd'hui peu nombreuses en France. Kevin Robin serait le seul transcripteur musical en braille du pays. « Il n'y en a pas d'autre à ma connaissance », affirme ce passionné, salarié de l'AVH depuis près de 20 ans. La transcription musicale, entièrement manuelle, exige une précision extrême pour restituer fidèlement les partitions, main droite et main gauche comprises.
Le numérique change la donne
L'association doit aussi apprendre à s'adapter avec l'arrivée des nouvelles technologies qui bouleversent les apprentissages des personnes aveugles et malvoyantes. Les nouvelles générations privilégient désormais l'audio et les technologies vocales, accessibles sur smartphone ou ordinateur. Cette évolution réduit la demande de livres imprimés, tout en posant la question de la place du braille papier, encore central pour l'autonomie et l'apprentissage. Au-delà des coûts, l'impression en braille participe à une responsabilité sociale : rendre la culture et l'information accessibles. Face à la baisse des usages et à la rareté des métiers, le défi est double : préserver ces savoir-faire tout en développant des solutions complémentaires, numériques et inclusives. Le sentiment d'une page qui commence à se tourner…
© Clotilde Costil



