« Depuis deux ans, j'ai changé à cinq reprises d'interlocuteurs. Les ministres passent et les problèmes demeurent », lance Jean-René Lecerf, président du Conseil de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) en préambule d'une présentation des priorités 2024 de la branche autonomie à la presse. Cash mais pas résigné… Si, dans son rôle, il sait appuyer là où ça fait mal, il place également sa confiance dans les axes d'améliorations en cours. La hausse du budget de la CNSA de 5,3 % en 2024 permettra-t-elle de faire face à de nombreux défis ? A dispo : 40,64 milliards d'euros !
Les métiers du soin à la peine
Premier « problème fondamental », selon lui ? L'attractivité des métiers du soin pour accompagner les personnes âgées et handicapées, avec un salaire moyen pour les aides à domicile de 800 euros par mois. Jean-René Lecerf déplore « l'absence de gestion des carrières avec peu de passerelles possibles pour passer d'aide à domicile à aide-soignant ou infirmier » mais aussi le manque de formation sur les gestes nécessaires pour véhiculer et transporter les personnes, qui sont sources de maladies professionnelles.
« On estimait à 350 000 le nombre de professionnels à recruter d'ici 2025, et on nous dit aujourd'hui d'ici 2050 », poursuit-il, se disant « surpris ». Pour élargir ce vivier, il encourage à « masculiniser » la filière. Selon lui, « il reste un travail colossal à faire car les progrès, sitôt réalisés, sont menacés ».
Grand âge et handicap, même combat !
Jean-René Lecerf pointe également le « séquençage » entre personnes âgées et handicapées « alors que ce sont le plus souvent des problématiques communes : répit, dignité, citoyenneté, mobilité… ». « Au plan national, on parle de loi sur le grand âge or il faut, de manière assez claire, se repositionner sur le fait que, l'autonomie, c'est un global », insiste-t-il. Cette ambition commune, qui devait voir le jour en 2017, demeure pour le moment aux oubliettes. La stratégie présentée il y a quelques semaines par Aurore Bergé (à l'époque ministre des Solidarités et de la famille) était, à son sens, « essentielle », car elle atteste que l'enjeu de l'autonomie relève de tous les ministères concernés.
Les choses vont-elles changer avec le portefeuille élargi de Fadila Khattabi depuis le remaniement Attal de février 2024, désormais ministre déléguée pour ces deux publics ? Dans une longue interview accordée à handicap.fr, Jean-René Lecerf y voit une « aubaine » (Un ministère grand âge et handicap : l'autonomie en force?).
En faveur du virage domiciliaire
Le président du Conseil insiste par ailleurs sur le virage domiciliaire qui « doit pouvoir jouer à plein pour faire face au défi du vieillissement et de l'inclusion ». Il encourage à la croissance de l'offre à destination des personnes âgées et handicapées et des aidants, se disant « fier de son pays », lorsqu'il visite un habitat partagé, car « on parvient à respecter la qualité de vie et la dignité de la personne, avec, au maximum, huit résidents, bien plus que dans les institutions ».
50 000 solutions nouvelles
Pour le volet « handicap », les attentes sont nombreuses, portant notamment sur le déploiement des 50 000 « solutions » (on ne parle plus de « places ») nouvelles annoncées par Emmanuel Macron lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) d'avril 2023 (50 000 solutions nouvelles : les détails enfin dévoilés!). Cette mesure est assortie d'un budget d'1,5 milliard d'euros afin, selon la CNSA, de « rééquilibrer l'offre des régions et des publics sans solutions ». Il sera réparti de la façon suivante : 110 millions d'euros pour le repérage et l'intervention précoce auprès des enfants en situation de handicap, 400 millions pour l'appui à la scolarisation des élèves handicapés et 985 millions pour financer les solutions pour enfants et adultes.
Des publics prioritaires
L'année 2024 doit permettre aux agences régionales de santé, en lien avec les conseils départementaux et l'ensemble des acteurs du handicap, d'arrêter la programmation régionale de ces crédits. Parmi les priorités, les besoins mis en lumière par les récentes stratégies Autisme/TND et en faveur des aidants, le plan de rattrapage Outre-Mer, le plan de prévention des départs vers la Belgique ou encore les orientations relatives aux enfants handicapés relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Pas de baguette magique !
Après la création de la branche autonomie en 2021 (un 5e risque au sein de la sécurité sociale), « nous sommes à un temps intermédiaire de la COG (convention d'objectifs et de gestion) 2022-2026, qui a permis de la consolider », explique à son tour Virginie Magnant, directrice de la CNSA. Si elle juge les « défis importants », elle rappelle ne pas avoir de « baguette magique », et que la « création d'une offre adaptée aux besoins exige de la durée et de l'engagement des services de la CNSA ». « Durant ces deux années écoulées, nous ne sommes pas restés les bras croisés », assure-t-elle. « C'est rare dans une vie de participer à des transformations aussi importantes », conclut Virginie Magnant.
Un renfort important
Ils sont désormais 200 agents au sein de la CNSA « avec des nouvelles compétences qui viennent enrichir le collectif ». En 2023, le 1er tour de France de l'autonomie a fait halte dans 14 étapes en régions. « Cela peut sembler modeste mais cela a permis de créer un espace qui n'existait pas pour que ces acteurs complémentaires puissent échanger sur les solutions et bonnes pratiques », ajoute-t-elle. 600 acteurs, représentants des conseils départementaux, des MDPH ont « appris à s'identifier pour répondre aux défis d'aujourd'hui et de demain ».
3 axes majeurs, maintenant !
Alors quoi de neuf pour consolider la branche ? Trois axes majeurs sont identifiés, sur lesquels la CNSA va travailler en 2024 et qui ciblent l'horizon 2026 : un futur service public de l'autonomie, des moyens renforcés et une meilleure communication. Ils sont à découvrir dans notre 2e volet : CNSA : ses 3 chantiers majeurs pour l'autonomie en 2024.