18 mai 2023. 8h17. Elle a les mains gelées, les pieds aussi, une entorse au genou, le souffle court. Mais elle s'en fout, ne ressent rien... Si ce n'est une immense fierté de surplomber le Monde. Elle, c'est Fabienne Sicot-Personnic, la quatorzième femme à avoir gravi l'Everest et la première avec un double handicap (moteur). Après deux ans et demi d'entraînement, deux mois et demi d'expédition et une ascension de douze heures compliquée par la neige, la glace, le froid, avec des températures avoisinant -45°C, cette Française de 38 ans a atteint la cime himalayenne perchée à 8 848 mètres d'altitude, avec ses « deux colocataires » : une spondylarthrite ankylosante et une ostéogénèse imparfaite (ou maladie des os de verre).
Plus de signal !
A peine le temps d'immortaliser ce moment qu'il est déjà temps de repartir. « Si le sommet est atteint, ce n'est pas la fin de l'expédition, il faut encore redescendre. Concentration, vigilance et sécurité sont encore de mise », souligne son compagnon et coach Steve, sur la page Facebook « Le piolet* de verre » qui retrace cette expédition hors normes. Direction le camp 4 ! Huit heures pour venir à bout des 800 mètres de dénivelé négatif, battus par un vent glacial. Les derniers jours, « il faisait si froid que son téléphone satellite a coupé, on n'a pas eu de contact ni de donnée GPS pendant 17 heures ! », révèle Steve. Un coup dur pour cette maman de trois enfants. Mais rien n'aurait pu entacher sa détermination car si Fabienne se bat aujourd'hui contre vents et glaciers c'est aussi pour les 180 000 Français qui souffrent d'une spondylarthrite et les trois millions d'autres qui vivent avec une maladie rare comme l'ostéogénèse imparfaite. Interpeller. Sensibiliser. Inspirer. C'est aussi ça l'enjeu.
7 sommets de 4 000 m en 12 jours
« En décembre 2020, mes médecins m'annoncent que mon autonomie à moyen terme est compromise : un genou en mauvais état, une indication de prothèse précoce et l'incertitude de la réussite d'une telle intervention au vu de mes antécédents médicaux... », explique Fabienne Sicot-Personnic. A défaut de lever le pied, cette passionnée de montagne et d'alpinisme lève la tête. Sa solution pour « surmonter le handicap » ? Gravir des sommets ! Le projet « Le piolet de verre » voit alors le jour. Pour réaliser l'exploit, cette infirmière au CHU de Montpellier s'astreint à un entraînement drastique, enchaînant les tests d'efforts, les séances en salle d'escalade quasi quotidiennes et les plus hauts sommets. L'été dernier, pas question de se dorer la pilule. Fabienne grimpe sept fois 4 000 mètres en douze jours. Elle rassure à la fois son guide népalais (ou « sherpa »), Migmar, « devenu un ami », mais surtout elle-même. Elle est fin prête.
Récolter 8 848 euros pour la recherche médicale
Depuis, Fabienne a retrouvé la terre ferme. Le 21 mai 2023, « je suis sortie de l'hôpital, avec des gelures en amélioration aux mains et pieds, une entorse encore présente au genou, une pneumopathie sous antibio, une perte de 15 kilos, un corps épuisé de ces 2,5 mois d'expédition mais de l'apaisement », écrit-elle sur Facebook, annonçant son retour prochain en France. Mais l'athlète s'est lancé un nouveau défi : faire grimper une cagnotte destinée à l'antenne de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) de Montpellier à... 8 848 euros. « J'ai atteint le toit du monde car je bénéficie de traitements qui m'ont permis de sortir d'un fauteuil roulant il y a un peu plus de cinq ans. Cette chance, je la dois à mes médecins mais aussi à l'incroyable travail des chercheurs », assure cette challengeuse invétérée. Cette cagnotte est pour ces « anges gardiens de l'ombre », conclut-elle, souhaitant leur « donner le coup de pouce » qui permettra de trouver des améliorations thérapeutiques pour les millions de personnes « dans l'attente d'un traitement pour vivre à nouveau ». Aucune chance de rester « de glace » face à l'initiative de l'alpiniste...
* Instrument en forme de pioche utilisé par les alpinistes
© Facebook Le piolet de verre