Aveugle, elle teste les trajets vers les sites olympiques

Un bon point pour les tramways et les autobus, qui annoncent les stations. Le métro, lui, s'apparente à une course d'obstacles. A cent jours des JO, Bernadette Pilloy, aveugle, teste les trajets qui mènent aux sites olympiques, avec son chien guide.

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Un chien guide (labrador blanc) aide une personne aveugle à traverser la rue.

Par Catherine Fay-De-Lestrac

A 76 ans, Bernadette Pilloy, aveugle, accompagnée de sa chienne guide Mara, fait partie des "comités d'experts usagers" mis en place par les organisateurs des JO de Paris 2024 pour tester régulièrement des cheminements jusqu'aux sites olympiques -des comités composés de personnes en fauteuil roulant, avec un handicap sensoriel ou autisme-. Pour améliorer le quotidien des quelque 200 000 non-voyants en France, la septuagénaire fait remonter les difficultés concrètes qu'architectes et concepteurs n'avaient pas anticipées.

JO : coup d'accélérateur à l'accessibilité

Les organisateurs attendent des dizaines de milliers de personnes handicapées dans le public des Jeux olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre), sans compter les 4 300 athlètes qui participent à ces derniers. Cet événement est l'occasion de donner un coup d'accélérateur à l'accessibilité, clé pour l'inclusion, mais aussi pour adapter la société à une population vieillissante.

Pas assez de "métro parlant"

Métro en direction d'Arena Bercy (sud-est de Paris), où se tiendront les épreuves de basket. "Mara, cherche la porte", lance Bernadette Pilloy. La chienne en laisse la guide vers l'ouverture de la rame. "Mara, cherche un siège". La chienne trouve un strapontin et place sa tête dessus. La rame n'annonce pas les stations. "Je compte sur mes doigts. Onze stations". Elle a, comme toujours, planifié son déplacement avec une appli payante spécifique. "On nous a promis que les métros seraient vocalisés, puis on nous a dit que ce serait impossible. Seules les rames les plus modernes 'parlent'", regrette la septuagénaire.

Etre autonome = ne pas être un "poids"

A la station suivante, le trafic est interrompu par un incident, les passagers doivent sortir. Lorsqu'elle est perdue, la voyageuse s'exclame : "Y aura-t-il quelqu'un de gentil pour m'aider ?" Arrivée sur le quai de la station Bercy, vers quel côté sortir pour rejoindre l'Arena ? La chienne la guide vers un escalier. Est-ce le bon ? Bernadette tâte autour d'elle et détecte un panneau. Elle sort de sa poche son iPhone. L'appli Seeing AI lui "lit" le panneau. "Etre autonome, c'est ne pas peser sur ses proches, ne pas avoir besoin qu'ils viennent avec moi", explique cette mère de cinq enfants et grand-mère de onze petits-enfants, mariée depuis 52 ans à un homme voyant.

Des volontaires pour guider dans le métro

A la sortie du métro, comment trouver l'Arena ? "Il y aura des volontaires, 30 000, spécialement formés pour aider les personnes handicapées. J'ai dû expliquer lors des réunions que c'était à eux de nous repérer... car nous ne les verrons pas ! " Ces volontaires formés au handicap seront recrutés pour la période des Jeux mais Bernadette Pilloy veut croire que cette formation leur sera utile dans leur profession future.

Tramways et bus plus accessibles

Et maintenant, en bus, direction Roland-Garros (sud-ouest), qui accueillera boxe et tennis. C'est nettement mieux. Tous les bus parisiens annoncent les stations et des endroits sont prévus pour les fauteuils roulants. Mais, lorsqu'il y a du monde, ces places ne sont plus accessibles, relève Bernadette Pilloy. Elle teste ensuite le tramway, pour aller à Arena La Chapelle (nord), le site où se dérouleront les épreuves de para badminton. Le chien détecte la "bande d'éveil à la vigilance" (des picots), qui indique le passage qui traverse les voies. Le chien lui trouve la porte, un siège. "Le tramway 'parle' et est extrêmement accessible", se réjouit-elle.  

Se déplacer, un "accès réel aux droits"

Pour cette membre de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), pouvoir se déplacer, "c'est avoir un accès réel aux droits : à l'éducation, à la santé, au sport, à la justice..." Membre également du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), elle vient à Paris depuis Elancourt (Yvelines), où elle vit, plusieurs fois par semaine pour des réunions. Des Jeux, elle espère un "changement de regard sur les personnes handicapées, une acceptation plus grande de leur présence". "On va les voir dans la rue, les stades, les salles de sport. Là où sont tous les autres citoyens."

© Pixelshot / Canva

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