A chaque partie, le même rituel. Jérôme Claessens doit mémoriser toutes les cartes posées par ses adversaires, à défaut de les voir. A six ans, il apprend qu'il est atteint d'une rétinite pigmentaire, une maladie dégénérative de la rétine, qui le rend progressivement aveugle. C'est grâce au bridge qu'il trouve un moyen de « mieux vivre avec son handicap ». Désormais, ce Belge de 35 ans vit et respire bridge, participant à de nombreuses compétitions internationales. Portrait d'un jeune homme inspirant qui, face à la cécité, n'a assurément pas abattu toutes ses cartes...
Un jeu de cartes fédérateur
Ce « sport de l'esprit », présent dans les établissements scolaires du CP à la terminale, est utilisé pour renforcer les apprentissages, en particulier les mathématiques. C'est en 2014, sur les conseils de son père, que Jérôme va le découvrir. « C'est une manière de m'empêcher de sombrer dans la dépression, une belle arme pour lutter contre la maladie, explique-t-il. Le contact humain me permet de ne pas m'enfermer chez moi et de vivre, tout simplement. » Plus qu'un loisir, ce jeu de cartes (sorte de bataille à quatre) est devenu une véritable passion, qu'il a décidé de transmettre en passant son brevet d'initiateur.
Des cartes en braille « made in Belgium »
En compétition, Jérôme est toujours accompagné de son chien-guide Esprit (en photo ci-contre) et utilise un jeu de cartes en braille qu'il a lui-même créé, lui permettant d'affronter les « valides ». Lors du dixième Open européen transnational qui se déroule au Parc des expo de Strasbourg du 3 au 17 juin 2023, le Belge participera à plusieurs épreuves : le mixte et l'open platinum des internationaux de France FFB (du 6 au 11 juin) et l'open par paires de l'European bridge league (du 13 au 15 juin).
Le bridge pour tous
En France, 1,5 million de joueurs sont adeptes du bridge, à 55 % des femmes, qui pratiquent leur passion dans 1050 clubs. « Les bridgeurs version 2023 ont de 6 à 99 ans », précise la FFB. Cette dernière mène des actions pour promouvoir ce jeu auprès des personnes en situation de handicap, notamment dans les établissements médico-sociaux ou de rééducation. Objectif ? Favoriser le lien social, en proposant d'ailleurs des supports adaptés pour tenir les cartes ou, si besoin, l'aide d'une tierce personne. Il existe même une compétition de « handibridge » qui s'est invitée pour la première fois en 2017 dans les Mondiaux de bridge à Lyon.