Bilan stratégie polyhandicap : 10 000 places manquantes

Après le dernier bilan de la stratégie 2017-2021 sur le polyhandicap, les avis divergent. "Dynamique précieuse", selon le gouvernement, versus "épouvantable frustration" pour une asso, qui réclame la création de 10 000 places dans l'urgence.

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C'est l'amertume après le Comité de pilotage de transformation de l'offre sur le polyhandicap qui s'est réuni le 8 novembre 2021. Le quatrième depuis la mise en place du premier volet dédié 2016-2021 (celui de 2020 ayant été annulé pour cause de crise sanitaire), qui permet d'échanger sur les actions mises en place. Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, a salué dans un communiqué un « dialogue constructif » et une « dynamique précieuse » qui « prouve à quel point (cette stratégie) porte ses fruits ».

Une réunion « épouvantablement frustrante »

Son enthousiasme ne semble pourtant pas partagé par les associations concernées, notamment le Groupe polyhandicap France (GPF). Loin de là... Ce dernier a donc remis à la ministre un document intitulé « Polyhandicap, polydésespoirs », qui rassemble les témoignages de parents et professionnels. Pas moins de 168 pages de doléances et d'urgences ! « Abandonnés, nous avons été totalement abandonnés. Nous sommes devenus invisibles pour tous, nos enfants polyhandicapés n'intéressent personne, c'est une vérité qui doit éclater au grand jour », est-il écrit en page de garde. « Après cette réunion de deux heures, épouvantablement frustrante et décevante, dans laquelle les associations ont à peine pris la parole, c'est l'effondrement général », ajoute sa présidente, Marie-Christine Tézenas. Ce premier volet polyhandicap, qui a fait naître de grands espoirs, sera apparemment le seul, aucune mention de prorogation n'ayant été annoncée. Dans un contexte où l'hémorragie de professionnels dans le champ du handicap menace plus que jamais les établissements, l'association, qui ne compte pas en rester-là, réclame une nouvelle rencontre avec Sophie Cluzel. 

600 places au lieu de 10 000 ?

Depuis 2016, près de 138 millions d'euros supplémentaires ont été dédiés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) afin d'augmenter le nombre de solutions d'accompagnement à destination de personnes polyhandicapées. Environ 1 700 places ont d'ores-et-déjà été créées et près de 600 nouvelles viendront compléter l'offre « à terme », dont 300 en 2022. « Ce nombre est ridicule », déplore Marie-Christine Tézenas. La Haute autorité de santé (HAS) estime à 50 000 le nombre de personnes polyhandicapées en France. Selon GPF, 36 000 seraient déjà accompagnées, il en reste donc 14 000 « sur le carreau » ; pour satisfaire les besoins, l'association réclame la création de 10 000 nouvelles places... en cinq ans ! On est donc loin du compte. Rien que sur trois régions (Grand Est, Ile-de-France et Haut-de-France), 200 adultes sont maintenus dans des établissements pour enfants dans le cadre de l'amendement Creton « et on ne parle pas de ceux qui sont à domicile ou pas dans les bonnes MAS (maisons d'accueil spécialisées), insiste Marie-Christine Tézenas. « Une longue liste de longue attente », s'alarme GPF, qui attendait de cette réunion « surtout une annonce de places, des engagements chiffrés et des échéances précises ». « En admettant que ce soit 700 places par an, et rien n'est moins sûr, il faudrait quatorze ans pour combler les manques », poursuit-elle.

Priorité à l'accompagnement

Le nerf de la guerre, c'est l'accompagnement du polyhandicap, dont le gouvernement promet de « renforcer l'expertise ». Fin 2020, la HAS a publié des recommandations de bonnes pratiques (article en lien ci-dessous). « C'est une avancée majeure qui pose un cadre de référence en s'appuyant sur les compétences de professionnels et de familles expertes », explique le secrétariat d'Etat au Handicap. Si, selon lui, elles « doivent aujourd'hui se décliner sur l'ensemble de nos territoires et pour tous », elles restent « trop largement méconnues par de nombreux établissements », constate Mme Tézenas. Le gouvernement admet que le « renforcement de l'offre doit s'accompagner d'une analyse plus fine des besoins et attentes des personnes, à partir de la fiabilisation et de l'exploitation des données du système d'information des Maisons départementales des personnes handicapées ». Il promet un « plan d'actions concret incluant un volet formation des professionnels », ainsi que la publication d'un kit pédagogique dédié par la Direction générale de la cohésion sociale. « Mais avec quel budget ? », s'interroge GPF. Pas de quoi convaincre sa présidente pour qui, « en ce qui concerne l'accompagnement et la prévention des ruptures de parcours, on est dans les choux ». Elle dénonce par exemple « l'absence de crédits pour assurer la présence d'infirmières de nuit pour la sécurité des résidents épileptiques ou avec gastrostomie H24 ».

Trois autres objectifs

Trois autres objectifs sont définis par le gouvernement. Le premier vise à « conforter la communication des personnes polyhandicapées » afin de « renforcer leur auto-détermination ». Les établissements et services sont ainsi invités à s'équiper et se former aux modalités de communication alternative et améliorée (CAA, article en lien ci-dessous). C'est aussi la scolarisation qui est au cœur des enjeux avec la poursuite du développement des classes dédiées -une par rectorat d'ici 2023-, ou de tout autre forme d'apprentissage. Enfin, le gouvernement encourage la « poursuite des travaux de recherche ». Depuis 2015, une cohorte permet de suivre le parcours de 875 personnes en situation de polyhandicap qui, « devant s'inscrire dans le temps long », est reconduite en 2022.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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