Elle est sublime. Une déesse sortie des eaux, peinte comme un tableau. Ou plutôt une Vénus façon Milo. A la différence de la Grecque légendaire, Nadia a une hypoplasie de la jambe gauche. Atrophiée depuis sa naissance. A 32 ans, cette jeune savoyarde a joué les muses pour un artiste venu des Bahamas que nous vous avions présenté il y a quelques semaines (article en lien ci-dessous). Architecte de formation, Monty Knowles a tout lâché pour se consacrer à sa passion, la photographie.
La beauté brute
De passage en France, il s'était adressé à handicap.fr car il souhaitait peindre le corps d'une femme handicapée. Nadia a répondu à l'invitation. "L'expérience m'intéressait à titre personnel alors j'ai décidé de rencontrer Monty à Paris en février 2015." C'est la première fois que Nadia participe à une séance photo. Monty lui propose de commencer par son shooting "raw beauty" dont il a fait sa spécialité. Il "capture" les visages sans artifice, sans maquillage, sans retouche. La beauté brute ! Pour sublimer ces belles au naturel, le photographe a longtemps travaillé avec des femmes qui avaient du mal à percevoir leur beauté physique, certaines après une ablation du sein.
A l'aise dans son corps
Puis vient le moment de se dévêtir, la peau se transforme en toile, l'artiste sort ses pinceaux. Pas de souci avec la nudité. Nadia a grandi à l'hôpital où le corps est mis à nu et devient un "objet" aseptisé. "Il est resté longtemps une partie de moi totalement neutre et exclusivement anatomique, explique la jeune femme. J'ai mis quelques années avant de comprendre qu'il pouvait aussi être érotique". L'artiste se laisse inspirer par le velouté de sa peau, la courbe de ses hanches, cette jambe écourtée... La prothèse devient motif à part entière. "Je crois que j'ai un peu déstabilisé Monty car il a l'habitude de travailler avec des femmes moins à l'aise avec leur corps." Nadia est totalement décomplexée. "Ce fut un long parcours d'acceptation et j'étais évidemment complexée vers 12-13 ans mais, plus tard, j'ai rencontré des partenaires amoureux qui ont participé à mon mieux être." A travers cette expérience, elle entend "honorer " son corps. « Ma petite jambe m'a permis de vivre des expériences qui ont fait de moi la personne que je suis et ma grande jambe est l'expression de ma force, elle est puissante et m'ancre. »
L'impression d'être un super héros
"Nous n'étions que tous les deux, poursuit Nadia. Ça aide pour tisser le lien de confiance. Il y avait un dialogue permanent entre nous". Lui ses inspirations ; elle ses aspirations. "C'est vraiment un processus commun." Il faudra six heures pour coloriser chaque parcelle et achever ce tableau vivant. Et trois autres pour la séance photo. Allongée, debout... Des centaines de clichés, sous tous les angles. "J'ai adoré le résultat. J'ai mis du temps à réaliser que c'était moi. Il y a une atmosphère très particulière ; sur l'une des photos, on dirait que je flotte au-dessus du sol. J'ai l'impression d'être un super héros !". Une œuvre en trois dimensions, quatre si l'on y ajoute la dimension humaine. Le mari de Nadia était partant, tout autant que leurs deux jeunes enfants de 4 et 5 ans, heureux d'avoir désormais, pour femme et maman, une œuvre d'art.
Pour d'autres personnes handicapées
Monty est retourné aux Bahamas après un petit saut au Danemark où il a peint l'équipe nationale féminine de hand-ball. Mais Nadia est sous le charme de cette rencontre artistique et ne compte pas en rester là. Sexologue, elle intervient depuis quelques années au sein de l'association suisse SEHP (SExualité Handicaps Pluriels). La jeune femme espère mener des projets avec l'artiste afin "de permettre à d'autres de vivre cette expérience incroyable." Peut-être même une expo photo ; la diversité des corps érigée en symbole de beauté planétaire ? Rappelez-vous la Vénus de Milo !