Par Dounia Mahieddine
"Les transports à Paris, c'est trop stressant", atteste Rajae El Harrak, 30 ans et en fauteuil roulant. "Un jour, je me suis retrouvée bloquée sur le quai du RER A à Auber, faute d'ascenseur. J'ai dû continuer jusqu'à Châtelet et trouver le moyen de faire demi-tour". Même "galère" pour Baptiste Ferra, un étudiant de 19 ans, lui aussi en fauteuil. "On ne peut pas faire pire que Paris", déplore-t-il. Tous les matins il fait le trajet entre Nanterre et son école de communication, à Saint-Lazare. Sa liberté d'aller et venir se heurte à l'obligation de réserver un agent de la SNCF. "Je ne suis pas libre, je dépends d'eux et je dois penser à réserver un agent trois jours à l'avance, au minimum", dit-il. Quand il ne prend pas le train, il opte pour le bus. Tous sont "100% accessibles" car équipés d'une palette rétractable qui permet l'accès des personnes en fauteuil. Mais "en général, je dois en laisser passer quelques-unes car la palette où les portes sont souvent cassées", regrette-t-il. Depuis l'âge de 10 ans, Baptiste a appris à composer avec les obstacles : sortir plus tôt, prévoir un budget taxi, planifier ses déplacements à l'avance... "Moi aussi, j'aimerais faire le trajet en métro avec mes amis", regrette-t-il.
6,27% du réseau de métro accessible
Dans la capitale, seule la ligne 14, la plus récente, offre une accessibilité totale aux personnes en fauteuil roulant. Les rames alignées avec le niveau des quais et la présence d'ascenseurs permettent de se déplacer en autonomie dans chacune des 13 stations. Soit 6,27% du réseau de métro accessible aux personnes handicapées. Londres est à 18%, Barcelone à 82% et Tokyo à 88%, selon APF France Handicap. Les nouvelles lignes de métro du Grand Paris Express et le prolongement en cours des lignes 4, 11, 12 et 14 seront "entièrement adaptées pour les personnes handicapées", assure la RATP. Mais le métro historique est difficilement aménageable. Les obstacles techniques et les difficultés d'insertion d'ascenseurs dans les sous-sols représenteraient des coûts "pharaoniques", déclare Grégoire de Lasteyrie, vice-président d'Ile-de-France Mobilités. Une étude financée par Ile-de-France Mobilités et la RATP a permis d'analyser les conditions dans lesquelles la ligne 6 pourrait être rendue accessible. L'expérimentation qui va en découler "sur cette ligne est très importante. Elle nous permettra de nous rendre compte plus concrètement si l'on peut rendre la totalité du métro accessible. C'est une ligne majoritairement aérienne et où les problèmes techniques ne sont pas les plus importants", explique M. de Lasteyrie. La Région Ile-de-France propose de prendre en charge un tiers du projet et invite la mairie de Paris et l'état à "se joindre au financement".
Résultats pas à la hauteur
Les associations sont de plus en plus nombreuses à demander que des efforts soient faits. "Il y a de bonnes volontés, mais les résultats ne sont pas à la hauteur", déplore Pierre-Emmanuel Robert, d'APF France handicap. Toutes les villes de plus de 5 000 habitants doivent chaque année réunir une commission communale et intercommunale pour l'accessibilité. A Paris, "en 12 ans, la commission ne s'est réunie que 3 fois", déplore M. Robert. "C'est un outil qui manque aux politiques" car il "permet d'évaluer les progrès liés à l'accessibilité". Dans la capitale, 4 228 personnes à mobilité réduite bénéficient de l'Allocation adulte handicapé (AAH), un nombre en hausse de 24% depuis 2007, selon la Fédération des malades et handicapés. "Il y a de plus en plus de handicapés, mais de moins en moins de choses accessibles pour eux", constate Annick Etienne, sa présidente. "Hauteur des trottoirs, travaux sur la route, voitures mal stationnées, pavés et revêtements abîmés... On se sent mis à l'écart", regrette-t-elle. Même si elle reconnait que beaucoup a été fait pour les personnes handicapées, elle déplore "toutes ces années" où on ne s'est pas "occupé d'elles". "Le plus dur c'est de rattraper tout ce retard".