Brouhaha, sous-titrage: la télé exclut-elle le public sourd?

La télé continue de discriminer les personnes sourdes et malentendantes, révèle une enquête. En cause, le manque de qualité des sous-titrages, pas assez de LSF et un brouhaha incompréhensible lors des débats, notamment politiques.

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A quelques mois de l'élection présidentielle de 2022, la communauté sourde, malentendante et signante veut se faire entendre. En effet, 69 % jugent insuffisante l'accessibilité des débats politiques à la télévision. En cause, notamment, un « brouhaha » généralisé, des interruptions, des invectives qui rendent difficile la traduction en LSF ou la retranscription en sous-titrage. Pour se faire une opinion, mission impossible ! « Il faudrait mettre plusieurs écrans et médaillons avec des traducteurs LSF ainsi que des sous-titres plus rapidement décryptés à l'antenne. Nous travaillons sur ces questions mais elles sont aussi une question de moyens », explique France Télévisions. Quand, alors ? Car la télévision est le media principal d'information pour 71 % des personnes sourdes et malentendantes, suivie par les sites Internet (43 %) et les réseaux sociaux (29 %) -ces derniers demeurent très utiles pour toucher un public jeune : 46 % des moins de 35 ans avec une déficience auditive s'y informent-.

Le sous-titrage des JT insuffisant

Pour mesurer le degré de satisfaction de ce public, la Fondation Jean-Jaurès et Média'Pi!, un media en ligne bilingue en langue des signes et en français, ont mené une enquête (Ifop), publiée le 8 novembre 2021. Les résultats mettent l'accent sur les « discriminations subies ». Même si David Médioni, directeur de l'Observatoire des medias de la fondation, « constate des efforts accrus » de la part des medias pour rendre accessibles leurs programmes, (...) des lacunes persistent sur l'accès aux journaux télévisés (JT) et débats politiques ; constat partagé par 47 % des répondants qui jugent insuffisante la qualité du sous-titrage des JT et 58 % celle des événements sportifs, notamment les matchs de foot. Quelle option ? Se replier sur un film, dont la qualité du sous-titrage est jugée suffisante à 86 % ou sur un documentaire (66 %) ? Même si le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui a d'ailleurs déjà mené une étude sur l'accessibilité de la campagne présidentielle en 2017 (article en lien ci-dessous), veille au grain, les résultats restent en-deçà des attentes. Les deux chaînes d'information en continu du service public (France info et France 24) sont celles qui proposent les volumes de programmes sous-titrés les plus élevés. Parmi les chaînes privées, BFMTV est celle qui propose le plus de sous-titrages. En revanche, concernant la LSF, une baisse du volume horaire a été constatée sur trois chaînes d'information en continu (CNews, France info et LCI).

10 % de la population

Des progrès ont néanmoins été observés depuis le début de la crise sanitaire, puisque les allocutions présidentielles et ministérielles sont systématiquement traduites et sous-titrées, comme celle du 9 novembre 2021 prononcées par Emmanuel Macron, même si Noémie Churlet, directrice et co-fondatrice de Média'Pi!, « a la mauvaise impression que ces efforts ont été mis sur pause ».
Selon elle, « l'accès à l'information est un droit qui concerne tous les citoyens. Y compris les personnes sourdes et malentendantes », un public qui est loin d'être « à la marge » puisqu'on estime que 5 à 7 millions de Français sont concernés, soit près de 10 % de la population (DREES 2007). Par ailleurs, c'est aussi sa représentativité sur le petit écran qui est pointée du doigt dans cette enquête, avec le manque d'opportunités pour ces personnes de s'exprimer sur d'autres sujets que ceux liés à la surdité. 61 % des sondés disent ainsi déplorer un manque de reconnaissance (de leurs compétences ?), principale souffrance des personnes sourdes avant l'isolement (49 %) et les moqueries (25 %).

Autre enseignement de cette enquête, cette fois-ci du côté des Français non concernés, la moitié (46 %) se déclare « tout à fait à l'aise » face à des personnes sourdes ou malentendantes, et plus de 70 % affirment qu'ils aimeraient pouvoir apprendre la langue des signes.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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