Sourds : privés de conversation au 1er juillet 2021?

A compter du 1er juillet 2021, la Fédération des télécoms voulait limiter le forfait de communication aux conversations entre particuliers et non plus vers les entreprises et services publics. Face à l'indignation, elle fait marche arrière.

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DERNIERE MINUTE DU 30 JUIN 2021
Des mesures de filtrage des appels vers les grandes entreprises et services publics étaient envisagées à compter du 1er juillet 2021 (lire ci-dessous). Tenant compte des inquiétudes exprimées par les associations représentant les personnes sourdes et malentendantes, sourdaveugles et aphasiques, et, par ailleurs, au vu de la volonté du gouvernement de mener une grande concertation visant à simplifier le dispositif actuel, d'en équilibrer les coûts, et d'engager un plan métier, les opérateurs membres de la FFTélécoms ont décidé de suspendre ces mesures de filtrage, explique la fédération le 30 juin dans un communiqué.

Elle alerte néanmoins le gouvernement sur la pénurie d'interprètes, provoquant une « saturation grandissante » dans les centres relais ; celui-ci s'est engagé à mener un plan de formation. Par ailleurs, la fédération déplore que « plus de 65% (données de Rogervoice) des appels passés depuis le lancement du service sont aujourd'hui à destination d'entités (entreprises et services publics) qui devraient être accessibles par leurs propres moyens, comme le prévoit initialement la loi, et qui ne le sont toujours pas ». Le forfait d'une heure gratuite (et bientôt 3h à partir du 1er octobre 2021) est donc principalement consommé pour des appels vers ces entreprises, les opérateurs de téléphonique prenant alors en charge des communications qui ne seraient pas de leur ressort.

ARTICLE INITIAL DU 25 JUIN 2021
Coup dur pour les personnes sourdes, malentendantes, aphasiques et sourdaveugles. Les opérateurs de téléphonie ont pris en juin 2021 une décision qui suscite l'indignation.

Conversations via des interprètes

La loi Numérique de 2016 instaure une obligation d'accessibilité des services téléphoniques pour ce public, quelle que soit la nature des appels : personnels, vers les services clients ou vers les services publics. Pour ce faire, le Centre relais téléphonique (CRT) a vu le jour fin 2018 qui permet aux usagers concernés d'accéder gratuitement à des interprètes via différents modes de communication (article en lien ci-dessous) : Langue des signes française (LSF), Langue française parlée complétée (LfPC), transcription écrite et interfaces adaptées. Un forfait gratuit leur est également octroyé qui, à partir du 1er octobre 2021, doit passer d'une à trois heures de communication par mois.

Que les appels personnels !

Or, à trois mois de cette échéance, dans plusieurs communications, la Fédération française des télécoms (FFT) prend la décision, sans aucune concertation, de ne plus assurer, à compter du 1er juillet 2021, les appels vers les services clients des entreprises et les services publics et de se limiter aux seules conversations entre particuliers. En d'autres termes, une personne sourde devra se débrouiller elle-même pour contacter son service des impôts ou sa banque. Les associations d'usagers, qui s'expriment par la voix d'Unanimes (Union des associations nationales pour l'inclusion des malentendants et des sourds), s'insurgent d'un tel « saucissonnage » des services téléphoniques qui va à l'encontre de l'accessibilité universelle prônée par la loi et « relève clairement d'une discrimination ». Selon elle, « la FFT interprète la loi à sa guise en assurant que ces secteurs doivent se rendre accessibles par leurs propres canaux ».

Un saucissonnage scandaleux

Jérémie Boroy, président du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées), lui-même sourd et militant dans ce domaine, juge cette « décision unilatérale » des opérateurs « choquante » et la méthode « scandaleuse ». « Elle résulte d'une très mauvaise lecture de la loi et consiste clairement à prendre les utilisateurs en otage », ajoute-t-il. Les associations et le CNCPH se sont mobilisés durant des années pour parvenir au point d'équilibre qui a permis le lancement du CRT en 2018 ; selon lui « beaucoup de concessions ont déjà été faites, il n'est donc plus question de revenir en arrière ».

Les associations demandent au gouvernement l'ouverture d'une négociation avec le ministère du Numérique pour qu'une décision concertée et cohérente soit prise au plus niveau de l'Etat. Son ministre Cédric Ô recevra le CNCPH et plusieurs associations concernées le mardi 29 juin 2021. Objectif ? Garantir la liberté d'appeler qui on veut !

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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