Dépression résistante : et si la réponse était dans l'inflammation ? La dépression est la maladie psychiatrique la plus fréquente (elle touche 16% à 17% des individus au cours de leur vie) et son pronostic peut être sévère. Or un tiers des patients ne répondent pas aux traitements (associant antidépresseurs et psychothérapie), ce qui peut entraîner une évolution chronique et des complications (risques de rechutes, troubles de l'attention, de la mémoire, risque de suicide, problèmes cardiovasculaires). Comprendre les facteurs de cette résistance aux traitements antidépresseurs et identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques sont donc des enjeux de tout premier ordre.
Récompensée par un prix
C'est ce sur quoi travaille le Dr Lucile Capuron, directrice de recherche à l'INRA de Bordeaux. Elle est la lauréate 2018 du 7ème Prix Marcel Dassault pour la recherche sur les maladies mentales, remis le 4 décembre 2018, doté de 300 000 euros et attribué par le comité scientifique de la Fondation FondaMental avec un jury international. C'est la première femme à recevoir ce prix. Psychologue de formation, le Dr Capuron fait sa thèse pour comprendre pourquoi des patients atteints de cancers traités par immunothérapie à base de cytokines déclenchent de graves dépressions, allant même jusqu'à des tentatives de suicide ou des suicides.
Plusieurs types de dépressions
Avant toute chose, qu'est-ce que l'inflammation ? C'est un mécanisme qui témoigne de l'activation de notre système immunitaire, aujourd'hui très bien décrit ; en présence d'une infection, il réagit en libérant, notamment, des molécules (cytokines) chargées de défendre notre organisme, qui vont, elles-mêmes, modifier deux neurotransmetteurs essentiels à l'équilibre émotionnel : la dopamine et la sérotonine. Si la synthèse de ces neurotransmetteurs ne se fait pas correctement, les symptômes dépressifs apparaissent. Plus grave encore, l'action des traitements antidépresseurs (qui visent précisément à rétablir les taux de sérotonine et de dopamine) est entravée. Ce mécanisme pourrait expliquer pourquoi certains patients ne sont pas sensibles à ces médicaments.
1 million de malades
Les recherches du Dr Capuron portent sur 50 patients dépressifs (50% en état d'inflammation, 50% sans) comparés à 20 sujets témoins. « Ces travaux devraient considérablement améliorer notre compréhension des mécanismes responsables de la dépression survenant dans un contexte inflammatoire », explique-t-elle. Sera-t-il bientôt possible de détecter par un simple bilan sanguin les signes d'une inflammation chez les personnes consultant pour une dépression ? Pourra-t-on envisager un traitement pour faire diminuer l'inflammation en utilisant des anti-inflammatoires ou des anticorps déjà disponibles sur le marché pour d'autres indications ? C'est l'objectif poursuivi par ce projet qui fait entrer de plain-pied la dépression résistante dans l'ère de la médecine de précision. Une révolution pour près d'un million de malades ?