Carrières brisées par le polyhandicap : pas d'indemnisation?

Pour s'occuper de leur fils né prématurément et handicapé à cause du Distilbène, des parents avaient dû renoncer à leur carrière. Ils réclamaient une indemnisation pour préjudice professionnel mais le tribunal les renvoie vers un juge de fond.

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Le TGI (Tribunal de grande instance) de Nanterre a refusé le 28 mai 2019 d'accorder une provision d'indemnisation pour préjudice professionnel demandée par un couple dont un des fils est né polyhandicapé après exposition in utero de la mère au Distilbène. En avril 2019, Sylvie et Loïc Le Cossec avaient réclamé une somme provisionnelle de 600 000 euros au laboratoire belge UCB Pharma, l'ex-fabricant de la molécule, après que celui-ci eut indemnisé leur préjudice matériel et moral (article en lien ci-dessous). Pour s'occuper de leur fils Julien, aujourd'hui âgé de 20 ans, né prématurément et handicapé moteur, mental et visuel à plus de 80%, sa mère avait notamment dû abandonner ses perspectives de carrière à l'international dans un grand groupe. M. Le Cossec, architecte designer, avait dû arrêter de travailler pendant sept ans, avant d'exercer à son compte. Il est aujourd'hui sans emploi.

Dommage estimé à 2 millions d'euros

Dans sa décision dont l'AFP a obtenu copie, le TGI souligne que "les revenus de Mme Le Cossec sont restés élevés dans les années suivant la découverte du handicap de son fils, dans le cadre de sa société de conseil" et même ultérieurement. Il relève également que les époux ont "déjà perçu une provision de 80 000 euros" au titre de l'indemnisation par le laboratoire de leur préjudice économique. Enfin, il indique que les questions soulevées dans cette procédure sont "un débat de fond qui devra être tranché par le tribunal et qu'il n'appartient pas au juge de la mise en état d'apprécier". Le couple va néanmoins faire appel de la décision rendu par ce le 28 mai, a indiqué à l'AFP leur avocate Martine Verdier. Un audit a évalué leur dommage économique à 2,1 millions d'euros, somme réduite à quelques centaines de milliers d'euros dans un rapport d'expertise après application d'un "coefficient de perte de chance", avait détaillé en avril Me Verdier.

Déjà plusieurs dédommagements

"Ce rapport est insatisfaisant", mais "apporte assez d'éléments pour qu'un juge accepte de verser une provision du montant d'indemnisation minimum le plus probable", soit "619 000 euros", avait-elle estimé. L'avocat d'UCB Pharma, François de Cambiaire, avait de son côté reconnu le préjudice professionnel des Le Cossec, mais "doit-on rembourser les carrières qui auraient pu avoir lieu ?", s'était-il interrogé, estimant que le couple avait déjà été indemnisé pour son préjudice économique. UCB Pharma a déjà été condamné en 2014 à verser 109 000 euros à Sylvie Le Cossec, née avec une "anomalie utérine sévère" (micro-utérus) après que sa propre mère eut pris du Distilbène pendant sa grossesse et, deux ans plus tard, à verser 595 000 euros à son fils pour son polyhandicap.

Le Distilbène est le nom commercial d'une hormone de synthèse prescrite en France entre 1950 et 1977 aux femmes enceintes pour prévenir notamment les fausses couches. Sa nocivité a été établie chez les enfants exposés in utero.

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