Pour s'occuper de Julien, 20 ans, né prématurément et handicapé moteur, mental et visuel à plus de 80%, sa mère a notamment dû abandonner ses perspectives de carrière à l'international dans un grand groupe, a plaidé Martine Verdier, avocate de Sylvie et Loïc Le Cossec, le 16 avril 2019 devant le tribunal de grande instance de Nanterre. Il avait été exposé, in utero, à un médicament appelé Distilbène (articles en lien ci-dessous), nom commercial d'une hormone de synthèse prescrite en France entre 1950 et 1977 aux femmes enceintes pour prévenir, notamment, les fausses couches.
Un manque à gagner
"Nous demandons une indemnisation sur ce manque à gagner, sur cette différence de revenus entre une carrière à l'international et ce que nous avons réussi à faire malgré la maladie de notre fils", a expliqué Sylvie Le Cossec à l'AFP, réclamant à UCB une somme provisionnelle de plus de 600 000 euros. M. Le Cossec, architecte designer de 50 ans, a, lui, dû arrêter de travailler pendant sept ans puis a exercé à son compte. Il est aujourd'hui sans emploi. Un audit a évalué leur dommage économique à 2,1 millions d'euros, somme réduite à quelques centaines de milliers d'euros dans un rapport d'expertise après application d'un "coefficient de perte de chance", a détaillé Me Verdier.
Rembourser les carrières
"Ce rapport est insatisfaisant", mais "apporte assez d'éléments pour qu'un juge accepte de verser une provision du montant d'indemnisation minimum le plus probable", soit "619 000 euros", a précisé Me Verdier. L'avocat d'UCB Pharma, François de Cambiaire, a indiqué que le laboratoire reconnaissait sa responsabilité et le préjudice professionnel des Le Cossec. "Mais ce préjudice professionnel est-il indemnisable ? Doit-on rembourser les carrières qui auraient pu avoir lieu ?", s'est-il interrogé, estimant qu'il ne pouvait y avoir de double indemnisation. "Je n'ai pas l'impression qu'ils aient vécu un calvaire : ils ont construit une maison à Nantes, ont acheté un appartement à Paris" et Julien, qui vit désormais en foyer pendant la semaine, bénéficie d'une "prise en charge totale", a fait valoir pour sa part Dominique Pavageau, avocate de la Zurich qui assure UCB Pharma.
Le laboratoire a déjà été condamné en 2016 à verser 595 000 euros à Julien et, deux ans plus tôt, 109 000 euros à Sylvie Le Cossec, née avec une "anomalie utérine sévère" après que sa propre mère eut pris du Distilbène pendant sa grossesse. Sa nocivité a été établie chez les enfants exposés in utero. Décision le 28 mai.