Les fauteuils roulent aussi sur les podiums ! Corine Tonarelli, fondatrice d'HandiFashion, bouleverse les codes d'un univers encore très étriqué en prônant une mode plus égalitaire. Cette année, le casting des 4 et 25 juin 2016 se tiendra à Saint-Rémy de Provence (Bouches-du-Rhône). La ville accueillera le défilé à l'automne, le 15 octobre 2016.
Le début de l'histoire
Ces castings sont des moments très forts pour Corine Tonarelli. « C'est le début de l'histoire, là où toute commence ». Tous les profils peuvent postuler, mannequins amateurs ou professionnels, valides ou handicapés, hommes ou femmes. « Ce qui est important, c'est que la personne soit belle et qu'elle dégage quelque chose en accord avec la philosophie d'Handifashion », souligne l'organisatrice. Comment se déroulent les sélections ? Devant le jury, composé de personnalités du monde du handicap et de la mode, les candidats sont invités à parler de leur histoire, de leur connaissance de la mode. Ensuite, la musique est lancée et ils sont invités à défiler comme ils veulent, selon leur handicap. « S'ils ne sont pas à l'aise, ils pourront travailler avec un scénographe par la suite », précise Corine. À terme, une vingtaine de mannequins sont sélectionnés.
« Une mode qui fait du bien »
Comment l'histoire a-t-elle commencé ? Lorsque Corine Tonarelli, journaliste et consultante dans les écoles de mode, enseigne en licence professionnelle, trois de ses étudiantes sont en pleine réflexion sur le sujet de leur projet tuteuré. Elles disent avoir envie d' « une mode qui fait du bien ». En parallèle, Corine écrit la biographie du militant Charlie Valenza, qui combat les préjugés sur la sexualité des personnes handicapées. De là naît l'idée d'un défilé de mode qui inclurait des mannequins en situation de handicap ; la première édition voit le jour en 2012. Initialement étudiant, l'événement connaît un succès grandissant. Une édition haute couture a lieu à Paris en 2013 (lire l'article ci-dessous). En 2016, HandiFashion collabore avec l'entreprise de cosmétiques Végétalement Provence, dont le siège est installé à Saint-Rémy-de-Provence.
Défilé un peu plus militant
Pour Corine, HandiFashion est un défilé de mode classique, juste un peu plus militant. « Nous voulons ouvrir des portes mais notre but reste celui de n'importe quel défilé : présenter des collections et vendre les vêtements proposés par les créateurs ». L'initiative, saluée par des professionnels de la mode tels que Baptiste Giabiconi, mannequin chouchou de Karl Lagerfeld, n'a pas toujours été bien perçue dans le monde du handicap. « Certaines personnes me disent que tout cela est futile et que les personnes handicapées ont d'autres soucis que celui de s'intéresser à la mode, regrette Mme Tonarelli. En tenant ces propos, on enferme le handicap dans le handicap. Les personnes handicapées ont aussi leur place dans ce milieu ». Loin d'être futile, HandiFashion a d'ailleurs prouvé son utilité en donnant l'opportunité à des mannequins handicapés sélectionnés de nouer des liens et d'avoir accès au monde du travail. Depuis les éditions précédentes, plusieurs d'entre eux ont l'occasion d'enchaîner shootings photo et entretiens professionnels. Des projets qui contribuent à « développer l'estime de soi », affirme la journaliste.
Former le regard
Lorsque, le soir du défilé, le podium est installé, le décor est planté et le public installé, Corine s'assied parmi les spectateurs. Elle s'enthousiasme lorsqu'elle entend autour d'elle les commentaires sur les collections : « Regarde comme cette robe est belle ! ». Pour la fondatrice de l'événement, c'est la preuve d'une belle réussite : « Plus on fait défiler des personnes handicapées, plus le regard du public s'habitue. Il remarque non plus le handicap du mannequin mais le vêtement qu'il porte. C'est là toute l'idée de HandiFashion : habituer et former le regard ».
Dans les années 80, le précurseur Jean-Paul Gaultier fait défiler des mannequins amputés d'une jambe pour présenter ses collections. En 2015, à New York comme à Tokyo, des modèles trisomiques ou en fauteuil roulant participent aux shows de la Fashion Week. En mars 2016, la chanteuse Beyoncé choisit un mannequin atteint de dystrophie musculaire pour représenter ses vêtements et produits dérivés.
Chez Handifashion, l'appel aux candidatures est lancé (lien pour inscription ci-dessous). Cette année, toutes les recettes seront reversées à Une si belle différence, association de parents d'enfants handicapés qui soutient la recherche sur les maladies orphelines.
© Marie Augustin