« 3 millions de personnes handicapées ont des droits ouverts au handicap », déclare Maëlig Le Bayon, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pointant notamment une hausse de 66 % de bénéficiaires de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Le 5 février 2025, il présentait le premier rapport de la branche Autonomie de la Sécurité sociale. Objectif ? Mettre en lumière des données nationales et territoriales concernant les publics concernés, les solutions d'accompagnement et les moyens financiers dédiés à la politique de l'autonomie.
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Au sommaire de ce document de 19 pages : les défis liés à la perte d'autonomie diffèrent selon les territoires ; repérer la fragilité et prévenir la perte d'autonomie : un axe stratégique pour la branche ; l'accès aux droits et aux prestations ; l'accès à la scolarisation et à l'enseignement supérieur ; le soutien aux proches aidants ; les financements publics de l'offre médico-sociale ; transformer l'offre pour répondre à l'évolution des besoins ; les enjeux de l'attractivité des métiers de l'autonomie.
Ce rapport est un « outil essentiel qui offre une photographie inédite de la situation et des dynamiques en cours, permettant ainsi d'orienter nos actions avec objectivité. Aussi l'équité territoriale est une question centrale. Aujourd'hui, les écarts entre départements sont significatifs, notamment du fait de la décentralisation », observe M. Le Bayon.
Les demandes de prestation en hausse
En 2023, plus de 7 millions de personnes ont été accompagnées par cette branche, dont 383 000 via la Prestation de compensation du handicap et 1,3 million via l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA). « Des droits qui ont très largement progressé », souligne Maëlig Le Bayon. Le site « Mon parcours handicap » cumule, quant à lui, 6,6 millions de visites par an. Autre chiffre marquant : les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) regroupent 5 700 ETP (équivalents temps plein) accueillant chaque année 1,8 million de demandeurs et recevant 4,7 millions d'appels téléphoniques. « Il faut compter en moyenne 4,7 mois pour ouvrir ses droits. Un délai qui stagne, certes, mais à mettre au regard du nombre de demandes en hausse (de 9 %, ndlr) », précise-t-il. Au total, 70 % des personnes qui passent par les MDPH se disent « satisfaites » et « seules » 2,3 % déposent un recours.
90 milliards d'euros en faveur du soutien à l'autonomie
Au total, « l'effort national en faveur du soutien à l'autonomie s'établit à 90 milliards d'euros en 2023, soit une augmentation de près de 30 % depuis 2013 », indique la CNSA, qui gère la majeure partie des crédits destinés à « atténuer les effets de la perte d'autonomie ». Quel public est concerné ? Les personnes âgées, celles en situation de handicap et les aidants. Or « le vieillissement de la population devrait s'accentuer jusque dans les années 2050, estime la caisse. En effet, 7 millions de personnes ont aujourd'hui 75 ans et plus : elles représentent plus de 10 % de la population française et constituent le groupe le plus exposé au risque 'autonomie' ». En outre, plus de 3 millions de personnes de moins de 60 ans se déclarent en situation de limitation sévère et de restriction d'activité au quotidien. Enfin, plus de 9 millions déclarent apporter une aide régulière à un proche, en raison de son état de santé, d'une situation de handicap ou d'une perte d'autonomie.
Un « plan Marshall » des services à domicile
« L'idée n'est pas de s'arrêter au constat mais de donner des pistes », affirme Maëlig Le Bayon. Nous devons diversifier et adapter les solutions d'accompagnement pour répondre aux réalités du terrain. » Face au vieillissement de la population et à la hausse du nombre de personnes en situation de handicap, « qui vieilliront aussi », le président du conseil de la CNSA, Jean-René Lecerf, appelle notamment à un « plan Marshall » de formation des métiers du domicile. En attendant, la caisse œuvre à « restructurer et moderniser ces services » pour permettre aux personnes de demeurer chez elles aussi longtemps qu'elles le souhaitent. En 2024, elle a ainsi soutenu le secteur à hauteur d'un milliard d'euros, consacrés notamment à « la mise en place d'un tarif plancher national, de mesures de revalorisations salariales ou encore de la dotation complémentaire ».
Prôner le « parcours choisi »
M. Lecerf insiste également sur la notion de parcours choisi : « Le virage domiciliaire doit s'inscrire dans une véritable logique de parcours. Il ne s'agit pas de penser les solutions de manière uniforme, mais bien de prendre en compte la volonté des personnes. L'enjeu est d'offrir un éventail d'options adaptées aux besoins et aux aspirations de chacun ». Ainsi, la branche Autonomie se mobilise pour « diversifier et transformer l'offre ». Elle « innove et investit » particulièrement dans l'habitat intermédiaire, en lien avec les opérateurs du logement, ainsi que dans l'ouverture des établissements sur leur environnement avec le développement de tiers-lieux. Leitmotiv ? « La priorité, c'est la vie quotidienne des français et non l'isolement dans les établissements. Mais encore un certain nombre d'entre eux sont accueillis dans ces structures, qui doivent être de plus en plus ouvertes », indique Maëlig Le Bayon.
15,2 milliards d'euros dédiés aux ESMS
En 2023, 15,2 milliards d'euros ont été financés par la cinquième branche pour les établissements et services médico-sociaux (ESMS). « On est passé de 410 000 solutions à 555 000, c'est considérable », constate le directeur. « Est-ce à l'aune des besoins ? Pas tout à fait, mais nous sommes dans une dynamique nouvelle que la loi de 2005 a permis de mettre en place », ajoute-t-il. Chaque année, 9 % des places en maison d'accueil spécialisé (MAS) sont renouvelées et 14 % en Institut médico-éducatif (IME), permettant d'accueillir de nouvelles personnes.
Déployer des mesures de revalorisation salariale
« Afin de réussir ce virage domiciliaire et celui de l'habitat alternatif, l'attractivité des métiers du domicile devient un enjeu majeur. Aujourd'hui, entre 1,4 et 1,8 million de professionnels travaillent dans les secteurs du médico-social, de la santé, du social ou encore de l'éducation », insiste Jean-René Lecerf. Face aux tensions constatées, la branche enclenche plusieurs leviers et soutient le déploiement des mesures de revalorisation salariale.
Des actions pour prévenir la perte d'autonomie
Autre constat : la fidélisation des professionnels du social et du médico-social est un levier essentiel de la prévention dans les territoires. « Nous savons que la perte d'autonomie n'est pas une conséquence inéluctable ni uniforme du vieillissement et que nous pouvons agir pour bien vieillir. Ce constat doit nous permettre d'agir davantage en matière de prévention et d'aller vers les personnes qui en sont le plus éloignées », exhorte Maëlig le Bayon. La prévention de la perte d'autonomie revêt, en effet, un caractère stratégique, qui se décline localement. En ce sens, les conférences des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie coordonnent et octroient des financements dédiés au déploiement d'actions à l'échelle de chaque département, à hauteur de 271 millions d'euros en 2023. En 2022, 2,8 millions de personnes ont pu en bénéficier, dont de nombreux aidants.
Réforme des concours aux conseils départementaux
Quelles perspectives ? L'année 2025 sera marquée par deux réformes financières majeures portées par la CNSA, à commencer par la fusion des sections « soins » et « dépendance » afin de simplifier le système de financement des EHPAD. L'enjeu ? « Offrir une approche plus intégrée de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. » La CNSA lancera également la réforme de l'ensemble de ses concours aux conseils départementaux, « dans une logique de simplification, d'équité et de lisibilité ». En 2022 ces financements se sont élevés à 5,6 milliards d'euros. « Ces deux initiatives reflètent un engagement profond à innover dans le secteur du médico-social. » En parallèle, « le cadre de travail de la CNSA avec ses partenaires, agences régionales de santé (ARS) et CD-Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), se réorganise et se consolide depuis deux ans avec les rencontres territoriales de l'autonomie ».
Fiabiliser les données sur le maintien à domicile
Enfin, les partenaires de la branche ont défini, en lien avec la CNSA, un calendrier de conventionnement pour 2025 afin d'améliorer la qualité du Service public de l'autonomie. Renforcée par sa transformation en « branche de Sécurité sociale », la Caisse déploie de nouveaux outils et améliore sa connaissance des besoins par le pilotage de la donnée. Prochaine étape : le lancement du site Internet Data Autonomie en open data pour une meilleure vision et un suivi ajusté du secteur et des populations concernées. « L'un de nos enjeux prioritaires concerne la fiabilisation des données. La collecte d'informations sur le domicile reste, par exemple, encore difficile, mais nous devons aller plus loin pour mieux comprendre les besoins et affiner nos stratégies », explique Maëlig Le Bayon. Et de conclure : « Il y a encore beaucoup de choses à construire mais on peut être fier de ce qu'on a fait en quelques années », se félicite-t-il, admettant que « ce premier rapport est perfectible et promettant « d'aller encore plus loin l'année prochaine ».
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