Chez les Pelletier, la passion pour les sports de glisse se transmet de génération en génération. La surdité aussi... sauf pour Mélissa et sa fratrie. Fille, petite-fille et nièce de champions de ski sourds, cette Savoyarde entendante a presque appris à signer et skier avant de marcher. C'est donc tout naturellement qu'elle propose de mettre en place des cours en langue des signes française (LSF) à l'Ecole de ski française (ESF) Belle Plagne (Savoie). Ce domaine, particulièrement accessible, est précurseur en matière d'accueil des personnes en situation de handicap. « L'ESF a été très réceptif à mon projet ; le directeur et le directeur technique sont à fond derrière moi ! », se réjouit Mélissa Pelletier.
Favoriser l'accessibilité des loisirs
Employée dans les espaces verts l'été et monitrice de ski l'hiver, la jeune femme de 25 ans mène deux vies à cent à l'heure. Avec un papa médaillé aux Deaflympics, compétition multisports internationale réservée aux athlètes sourds, et un grand-père qui a fondé le premier Ski-club des sourds de France (SCSF), sa voie était tracée... Bien décidée à reprendre le flambeau, Mélissa entame la formation de moniteur à 18 ans avec l'ambition de faciliter l'accès des loisirs aux personnes déficientes auditives. « Elles se battent déjà au quotidien pour vivre dans une société peu adaptée donc, pendant les vacances, le fait d'avoir un moniteur qui parle leur langue est un confort non négligeable », estime-t-elle. Mais, si c'est « super long de se former à la LSF », « ça l'est encore plus pour le monitorat de ski », assure-t-elle. Six à huit ans en moyenne !
Cours collectifs à venir…
En 2023, diplôme en poche, Mélissa souhaite d'abord lancer des cours collectifs en LSF avec son compagnon Pierrick, « une première en France » ! « Les clients sourds ne peuvent pas suivre un cours 'lambda', même ceux qui sont appareillés ; ils sont perturbés par le bruit à l'extérieur, les mouvements... Sans compter que, pour se préserver du froid, le moniteur cale souvent son col sur la bouche, ce qui complique la lecture labiale, explique-t-elle. On peut s'en sortir avec des mimes mais ils n'auront pas accès au fond de l'enseignement. » Malheureusement, le projet n'aboutit pas. Impossible de réunir suffisamment de skieurs de même niveau dans le même créneau. La monitrice tente alors des cours « hybrides », qui réunissent skieurs sourds et « valides ». « La difficulté c'est que l'on doit souvent parler deux, voire trois, langues (français, LSF et anglais) donc c'est très chronophage et ça peut être moins agréable pour les clients », indique Mélissa. « Pour le moment, on oublie les cours co' et on se concentre sur les cours individuels ! »
Un enseignement adapté
La différence avec les cours « traditionnels » ? La nécessité de signer en « marche arrière ». « Sur les pistes, ça dénote toujours un peu mais ça le fait ! », assure la jeune femme. « Il faut également redoubler de vigilance car les skieurs sourds n'entendent pas ce qui se passe autour d'eux », ajoute-t-elle. C'est également un investissement et un enseignement différents. « Pour capter l'attention des enfants qui regardent ailleurs, par exemple, il faut se placer devant eux au lieu de les appeler simplement. »
Des clients convaincus
Ces enfants, ravis de pouvoir skier « comme tout le monde », constituent la majorité de sa clientèle. Il y a également des adultes, qui après avoir été « écœurés » par leur expérience passée, se réjouissent de pouvoir « communiquer avec fluidité, parfaire leur technique mais aussi approfondir leurs connaissances de la montagne ». Mélissa espère qu'ils transmettront cette expérience à leurs propres enfants afin d'essaimer cette pratique. En un an, elle a déjà réussi à fidéliser une partie de sa clientèle qui assure vouloir revenir « l'année prochaine et celles d'après ! ». La jeune femme espère également inspirer d'autres moniteurs car, victime de son succès, elle doit parfois refuser des clients. En 2024, sept semaines sont déjà réservées. Cette saison, environ 70 personnes participeront à ces sessions de deux heures, accessibles dès trois ans.
2 options pour s'inscrire aux cours LSF
Intéressé ? Deux options possibles : contacter l'ESF Belle Plagne ( info@esf-belleplagne.com ) et demander un cours avec l'un des quatre moniteurs formés à la LSF ou envoyer directement un mail à Mélissa à l'adresse melissa.plltr@gmail.com , qui pourra rapidement proposer une visio afin de faciliter les échanges.
Un festival tous les 2 ans
En parallèle, Mélissa et sa famille organisent d'autres activités pour les personnes sourdes, via l'association SCSF, à l'image du Winter slide festival. Durant trois jours, des amateurs de glisse et leurs proches se retrouvent pour participer à des compétitions loisirs (géant, slalom et géant parallèle) ou des sorties en raquettes, mais aussi découvrir des témoignages et l'historique de l'association. Lancé en mars 2023, en partenariat avec l'ESF, cet évènement, « qui a vocation à se développer », sera désormais organisé tous les deux ans. « Trois jours de rencontres, de ski et de spectacles pour surmonter ses blocages, se challenger et profiter des joies de la montagne. » Rendez-vous en mars 2025 ?
© ESF Belle Plagne