Jennifer Marchand est la maman de Lola, une « princesse » de 7 ans. Une petite blondinette IMC avec demi-cerveau suite à un AVC, lui ôtant la moitié du tronc cérébral. Les pronostics étaient noirs mais elle a déjoué la plupart. Elle ne devait pas marcher, elle a marché à l'aube de ses 5 ans. Elle ne devait pas voir, elle voit parfaitement d'un œil. Elle ne devait pas entendre, elle entend. Elle ne devait pas parler, elle parle malgré une élocution parfois difficile. Les médecins eux-mêmes se disent étonnés de son évolution. Ses séquelles sont plutôt concentrées dans son hémicorps gauche, bras et main étant « inondés » de botox pour l'aider à supporter sa spasticité… Malgré ces nombreux revers, c'est au moment où Lola est entrée à l'école que ses parents ont vraiment compris ce que « handicap » voulait dire…
Des tsunamis depuis 4 ans
« Je me suis battue pour l'obtention d'une AVS, accordée pour 24h de présence par semaine », explique sa maman. Comme beaucoup de parents dont les enfants requièrent la présence d'une aide, ils ont tout connu : de son absence à la rentrée aux conflits pour faire respecter le temps de scolarisation. « Depuis 4 ans, nous traversons des tsunamis, jusqu'à cette année 2017 où nous avons franchi un cap nous obligeant à déposer plainte auprès du rectorat. » En novembre 2016, Lola subit une lourde opération des pieds, qui la contraint à réapprendre à marcher. En attendant, elle est en fauteuil roulant, situation qui modifie les conditions de sa scolarisation. « Lorsqu'elle a enfin pu revenir à l'école, il nous a fallu énormément de patience pour faire accepter de nouveau Lola. Nous la déposions une heure par-ci, une heure par-là selon des désirs de sa maîtresse, jusqu'au moment où j'ai imposé que son planning reprenne comme avant, attestant que ce n'était pas son cerveau qui avait été opéré mais ses pieds. »
Interdiction d'uriner
Malgré un certificat médical confirmant que son état de santé est compatible avec une scolarité, sa maîtresse en décide autrement. Elle interdit, notamment, à son AVS de l'emmener aux toilettes ; Lola doit porter des couches. « Quand un matin, en la déposant sans celles-ci, nous avons imposé leur retrait, la maîtresse a contraint ma fille à rester avec son envie d'uriner pendant près de deux heures ». Une situation humiliante devant les autres enfants, « ma fille hurlant son incompréhension de ne pouvoir aller libérer sa vessie ». Lola est atteinte d'énurésie et ne peut pas se retenir. « Lola refusait de m'appeler par peur que je la gronde ! On a laissé une enfant de 7 ans penser que sa mère allait la gronder parce qu'elle avait envie de faire pipi ! ».
Plainte auprès de l'inspection académique
Choqués, les parents portent cette affaire devant l'inspectrice académique qui, selon eux, « a géré cette situation de main de maître », prenant en compte les souffrances de leur fille. Lola change alors de classe au motif que sa maîtresse est devenue « toxique » pour son équilibre. Mais les problèmes ne sont pas réglés pour autant. « Depuis ce changement, nous vivons des situations insolites au point de devoir la déscolariser pour la protéger un mois avant la fin de l'année. Nous avons l'impression qu'elle est étrangère à l'école. Lorsque l'AVS est en retard, Lola doit attendre devant sa classe. Son AVS a été en arrêt maladie plus de quinze jours sans qu'aucune solution n'ait été proposée afin de scolariser notre fille ». Malgré les « grandes qualités de la nouvelle institutrice », le changement de classe ne s'avère guère bénéfique. « Nous avons alors compris qu'elle n'avait plus sa place et qu'il était urgent qu'on la retire ». L'équilibre psychique de la fillette s'en trouve affecté. Elle devra pourtant poursuivre dans cette école à la prochaine rentrée, les autres étant surchargées.
Une page dédiée pour les parents
Selon Jennifer, « Lola n'est pas la seule enfant handicapée à subir tout cela. Il suffit de s'intéresser aux groupes mêlant parents et AVS pour se rendre compte de l'état actuel de l'inclusion à l'école. » Pour cette raison, elle a créé une page sur Facebook : « Défense des droits des élèves handicapés » (en lien ci-dessous). Elle y dénonce les discriminations dont sont victimes les enfants handicapés et les conséquences sur la vie professionnelle et sociale de leurs parents. « Jusqu'ici, j'enterrais mes rancœurs et relativisais pour éviter d'alimenter le feu, souffrant en silence de ces injustices, confie la jeune femme. Nous ne devrions pas avoir à souffrir pour faire scolariser nos enfants. Pendant que la justice condamne des parents qui ne scolarisent pas leurs enfants, nous, nous sommes laissés de côté. J'ai appris qu'en contredisant et en imposant mes souhaits, je passais pour une emmerdeuse étiquetée « cas social ». J'avais peur que mon image soit dégradée, peur d'être jugée et je l'ai été. Certains parents ont soutenu cette institutrice sans même savoir qu'elle avait durement malmené un enfant. »
Se battre jusqu'au bout
« Lorsque je regarde ma fille, ses progrès et ses capacités à surmonter les pires épreuves, je comprends que, ce qui l'empêche d'évoluer, ce sont les esprits fermés. Son handicap n'est pas cet AVC qui la prive aujourd'hui d'un épanouissement scolaire. Je sais que sa force est bien plus importante que celle de ces adultes qui se défilent à la moindre difficulté ». Et de dénoncer ce « grain de sable dans beaucoup trop d'écoles », qui contraint certains parents à monter en haut de grues ou à entamer des grèves de la faim. Jennifer assure, quant à elle, « ne plus jamais défaillir devant les murs que l'on placera » devant elle. Et incite tous les parents à « oser » se battre…