« J'en ai marre d'être l'emmerdeuse de service alors que je ne fais que défendre les droits de mon enfant et tenter de faire appliquer la loi. » Après la grève de la faim récemment annoncée par le père d'un fils autiste déscolarisé (Lire : Père d'un fils autiste, un maire entame une grève de la faim), c'est au tour d'une mère de famille de taper du poing sur la table. Une Maison départementale des personnes handicapées est dans le viseur de Charlotte Decool. Sur son compte LinkedIn, elle rapporte un exemple de « maltraitance institutionnelle ». En cause ? Un temps d'attente de près de sept mois depuis le dépôt d'un dossier, malgré de nombreuses relances.
Aucune nouvelle de la MDPH de Paris
En novembre 2022, l'enseignante référente de son enfant en situation de handicap dépose un dossier de scolarisation pour un changement de cycle en 2023. Elle demande précisément un « renouvellement de l'AESH Individuel, un renouvellement de matériel pédagogique adapté, un aménagement des conditions d'examens et une orientation médico-sociale ». A ce jour, toujours aucune nouvelle de la MDPH de Paris, à laquelle la famille est rattachée. « A quelle date doit-on réaliser l'équipe de suivi de scolarisation (ESS) et envoyer son dossier pour avoir une réponse à temps pour la rentrée suivante ? », s'énerve Charlotte Decool. « Inutile de les appeler, seuls 10 % des appels aboutissent, pour entendre qu'ils sont hors délais et que cela ne saurait tarder », lui répond un autre parent qui déplore « un puits sans fond » avec le sentiment « qu'ils (les services de la MDPH, ndlr) sont dans une stratégie de dissuasion pour l'exercice des droits des usagers ».
De nombreuses ruptures de droits
Derrière cette situation personnelle qui ne semble pas isolée au regard des commentaires similaires qui abondent sous sa publication, la mère de famille dénonce des demandes à renouveler en permanence, sans avoir la chance de voir ses droits reconduits. « Cette ineffectivité des droits est permanente et nationale », tempête-t-elle, énumérant les nombreuses « ruptures de droits » déjà vécues : « carte mobilité inclusion (CMI) non renouvelée à temps », « complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) totalement suspendu pendant des années », « absence de plan personnalisé de compensation (PPC) »… « Comment font les familles, parent solo de milieu modeste pour s'en sortir ? », interroge celle qui sait où trouver les ressources puisqu'elle est membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), en qualité de personne qualifiée. « Ils ne le peuvent pas », répond-elle simplement, interpellant dans le même temps la ministre déléguée au Handicap, Geneviève Darrieussecq, et ses collègues en charge de l'Education nationale et de l'Enfance et des Familles.
Les MDPH sur les braises
Ironie du sort, les personnels des MDPH sont eux aussi sur le front de la contestation, notamment dans le domaine de la scolarité (Lire : Rentrée sous tension : le coup de gueule des MDPH!) ; en mai 2022, ils tapaient du poing sur la table pour mettre l'Education nationale face à ses responsabilités, dénonçant des parcours trop compliqués, de trop grandes disparités selon les académies, des dispositifs internes pas assez mobilisés, un embouteillage de dossiers...
Une simplification administrative, vraiment ?
Pour rappel, le gouvernement s'était engagé en 2019 à une simplification administrative pour rendre la reconduction des demandes d'aides automatiques dans certains cas (Lire : AAH, RQTH, CMI : l'attribution des droits simplifiée). Le décret n° 2019-1501 permet, notamment, l'attribution de droits sans limitation de durée et sans nouvelle demande pour certains bénéficiaires handicapés. Il complète celui paru un an plus tôt. CMI, AAH et RQTH sont concernées. Pour autant, le désengorgement espéré tarde à produire ses effets.
Un baromètre national
Tous les trimestres, le baromètre des MDPH de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), fait le constat d'une grande disparité selon les départements (Lire : Dossiers MDPH : quels délais de traitement en France?). Si la durée moyenne de traitement tous droits confondus est inférieure à 4 mois dans 66 d'entre eux, elle reste supérieure à 6 mois pour 10 autres. La moyenne nationale se situe donc à 4,3 mois (chiffres 2e trimestre 2022). A cette date, Paris était pourtant dans la moyenne avec 4,2 mois. Le département en tête de ce classement est la Meuse avec 1,7 mois en moyenne, suivi de près par la Charente et la Corse avec 2,1 mois. En queue de peloton, la Manche avec 9,2. Mais les délais peuvent varier selon la prestation réclamée. A noter qu'ils sont globalement en hausse sur les deux derniers trimestres 2022.
Dans ce contexte, en tension, il est donc recommandé aux usagers de ne pas changer leurs habitudes et, pour le renouvellement, de continuer à adresser leur demande au moins six mois avant l'échéance des droits. A moins que cela ne suffise pas...