Scolarisation des enfants handicapés, un parcours compliqué ? D'ordinaire, ce sont les familles qui tapent du poing sur la table. D'ordinaire, ce sont les familles qui dénoncent le surplus de démarches. Une fois n'est pas coutume, les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) s'en chargent. En pleine effervescence pour préparer la rentrée 2022/2023, l'association des directeurs de MDPH (ADMDPH) s'exaspère.
L'Education nationale face à ses responsabilités
C'est dans une lettre ouverte de mai 2022 qu'elle entend mettre l'Education nationale face à ses responsabilités, de manière cash, sans détour. Elle y déplore « l'absence de réponses quant aux décisions à prendre et aux moyens nécessaires pour une rentrée scolaire réussie pour les enfants en situation de handicap ». Un problème lié au « renvoi de responsabilités entre partenaires » qui « met en péril la scolarisation de certains » et laisse aux équipes un « goût amer ». Pourquoi faudrait-il en passer par les MDPH pour assurer l'effectivité de la scolarité de ces enfants quand elle est avant tout du ressort de l'Education nationale ? Il existe en effet des dispositifs à mobiliser en interne, par exemple le Projet d'accueil individualisé (PAI), le Plan d'accompagnement personnalisé (PAP) et le Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE), qui permettent de mettre en place certains aménagements mais qui ne seraient pas « suffisamment mobilisés ». Parce qu'il représenterait le seul moyen d'obtenir un AESH (accompagnant d'élèves en situation de handicap) mais surtout du matériel pédagogique adapté, les parents se ruent alors sur le PPS (Projet personnalisé de scolarisation), embouteillant les MDPH et faisant peser sur leurs services des « attentes considérables ».
Embouteillage des demandes
L'ADMDPH observe en effet une hausse continue des demandes, et donc des attributions, d'aides humaines alors même que les AESH manquent à l'appel, et on lui en fait parfois le reproche. Mais lorsque de telles décisions sont prises, les « éléments du dossier sont concordants et légitimes », se défend l'association. Pour elle, le problème vient d'ailleurs... « L'Education nationale, chargée de la mise en œuvre des décisions des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), nous semble être en difficulté », observe-t-elle. C'est aussi le manque d'accessibilité qui est pointé du doigt, celle des bâtiments scolaires, des contenus pédagogiques, du matériel, qui oblige alors à avoir recours à des AESH « pour ne pas freiner ou empêcher une scolarisation ». Les MDPH insistent sur le fait que cette accessibilité est bel et bien du « ressort de l'école et nécessite des moyens ». « On demande aux équipes d'évaluation de la MDPH d'endosser, par défaut, un rôle de régulateur des demandes parce que l'ensemble du dispositif n'est pas adapté », s'insurge l'association, qui mentionne des « équipes à bout de souffle ou des familles qui donnent tout ». Elle évoque par ailleurs le manque de personnels de l'Education nationale mis à disposition des MDPH, pas assez formés, et un système d'indemnité des enseignants-référents dans les MDPH « très opaque et inégal ».
Des revendications en série...
Et de dénoncer également les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) lancés il y a deux ans, « censés permettre la fluidité de l'attribution de l'aide humaine » mais qui « ne sont pas en capacité de faire face ». C'est aussi le statut des AESH qui est au cœur des critiques, insuffisamment formés et rémunérés, qui « induit un recours à des associations engendrant, dans certains cas, un reste à charge conséquent pour les familles ». Autre obstacle : les élèves orientés en Ulis (unités localisées pour l'inclusion scolaire) qui bénéficient de temps d'inclusion parfois conséquents auxquels l'AESH mutualisé ne peut répondre seul ; l'association réclame donc de « revoir, renforcer et harmoniser le calibrage et l'organisation » de ces unités. Elle ajoute que « les AESH et enseignants portent souvent seuls une responsabilité d'effectivité de l'inclusion scolaire ». Or, « cet objectif ne peut pas reposer uniquement sur ces personnels ». Enfin, l'association déplore l'absence d'orientations « alternatives » en attendant que « l'orientation cible » (c'est-à-dire le premier choix) ne soit proposée aux familles.
Une réunion d'urgence !
In fine, ce coup de gueule collectif entend dénoncer le fait qu'il y a « à peu près autant de départements que de configurations de coopération ». Les MDPH réclament donc « l'harmonisation nationale des pratiques et une simplification du cadre réglementaire », jugées « fondamentales pour organiser les rentrées et trouver des solutions pour les enfants qui n'en n'ont pas ». En « urgence », elles appellent à une grande concertation qui réunirait les MDPH, les familles, les associations, l'Education nationale, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), la DGESCO (Direction générale de l'enseignement scolaire) et les ministères concernés. « La réussite de la prochaine rentrée scolaire en dépend », prévient-elle.