122 mucoviscidoses. 557 syndromes drépanocytaires majeurs. C'est le nombre de diagnostics de maladies rares posés, en France, en 2020, grâce au dépistage néonatal, qui fête, le 8 février 2023, ses 50 ans, au sein de l'Institut Imagine. Des centaines de vies sauvées. Des quotidiens facilités... Depuis 1972, ce programme national est proposé à tous les nouveau-nés, de manière systématique et gratuite. En perpétuelle évolution, il permettait en 2022 de dépister sept pathologies. Depuis le 1er janvier 2023, à la suite des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), celui que l'on nomme également test de Guthrie a été étendu à sept autres affectant le métabolisme. Objectif : détecter et prendre en charge de manière précoce des maladies rares mais graves, d'origine génétique pour la plupart, afin de favoriser le développement du bébé puis de l'enfant et de limiter le risque de handicap.
Les 14 maladies rares dépistées
Au total, quatorze maladies sont donc désormais dépistées dans les 48 à 72 heures suivant la naissance, avec le consentement des parents. L'homocystinurie par déficit en CBS, la leucinose, la tyrosinémie type 1, l'acidurie glutarique de type 1, l'acidurie isovalérique, le déficit en 3-hydroxyacyl-coenzyme A déshydrogénase des acides gras à chaîne longue et le déficit en captation de la carnitine viennent s'ajouter au déficit en MCAS, à la phénylcétonurie, à l'hypothyroïdie congénitale, à l'hyperplasie congénitale des surrénales, à la mucoviscidose, éventuellement à la drépanocytose (pour les populations les plus à risque *) et à la surdité permanente. « Cet élargissement est une excellente nouvelle dans la mesure où il existe pour chacune de ces maladies des traitements simples qui, donnés de manière précoce, évitent des complications parfois sévères », se réjouit le Professeur Michel Polak, responsable du Centre régional de dépistage néonatal (CRDN) d'Ile-de-France basé à l'hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, dont il est également chef du service endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatrique.
La procédure et les bénéfices
En quoi consiste le test de Guthrie ? Indolore et sans danger, il consiste, en une minute top chrono, à prélever une goutte de sang sur le talon du bébé avant de l'apposer sur un buvard afin de former plusieurs échantillons à analyser (explication complète en vidéo ci-contre). Dans un bref délai, il est possible de confirmer le diagnostic définitif et de mettre en place, de manière précoce, le traitement adéquat. « Parce qu'il existe des moyens thérapeutiques préventifs, le dépistage néonatal apporte un véritable bénéfice aux nouveau-nés », martèle le Professeur Stanislas Lyonnet, pédiatre, généticien et directeur général de l'Institut Imagine, qui insiste sur la « vertu, la bienveillance et l'efficacité de ce programme et de l'information génétique au sens large ». Par exemple, le diagnostic de la phénylcétonurie, permet, grâce à un régime et à un suivi médical adéquats, d'éviter la survenue d'un handicap cognitif sévère et définitif. « Cette médecine du dépistage néonatal est donc une médecine de prévention, une médecine lumineuse », ajoute le professeur Michel Polak, assurant qu'elle ne sert en aucun cas des « intentions eugéniques ».
Drépanocytose : bientôt un dépistage systématique
Bientôt une quinzième maladie traquée à la naissance ? Le dépistage de la drépanocytose devrait prochainement être élargi à l'ensemble des naissances à la suite des recommandations de la HAS fin 2022. Cette mesure permettra d'assurer la prise en compte de patients qui n'auraient pas été dépistés auparavant faute d'éligibilité (Lire : Drépanocytose: bientôt un dépistage de tous les nouveau-nés ). Avec 20 000 à 30 000 personnes touchées, c'est la maladie génétique la plus répandue en France, et la seule dépistée à la naissance dont l'incidence augmente régulièrement : 557 cas en 2020 contre 412 en 2010. Autres arguments évoqués : l'hétérogénéité du dépistage sur le territoire. Plus de trois enfants sur quatre en bénéficient en Ile-de-France, contre à peine un sur deux à l'échelle nationale en 2020. L'enjeu ? « Mettre en place, dès les premières semaines de vie, des mesures préventives, notamment anti-infectieuses, pour faire face à des complications aigues potentiellement mortelles à cet âge », indique le Pr Marina Cavazzana, cheffe du département de biothérapie de l'hôpital Necker.
5 maladies supplémentaires en 2024 ?
L'intégration de ces nouvelles pathologies dans le programme de dépistage néonatal est le fruit d'une dynamique relancée par le Plan national maladies rares 2018. Et cela devrait continuer... « En effet, l'intégration de cinq maladies métaboliques supplémentaires sera rediscutée en 2023, et d'autres encore dans les prochaines années. Dans le même temps, et pour d'autres spécialités pédiatriques, la HAS a recommandé de manière conditionnelle, en février 2022, une extension du programme de dépistage néonatal pour les déficits immunitaires combinés sévères », explique Dr Jean-Baptiste Arnoux, pédiatre au sein du service des maladies métaboliques et coordonnateur du groupe de travail dépistage au sein de la filière maladies rares G2M. Par ailleurs, une évaluation est en cours pour ajouter l'amyotrophie spinale à cette liste. Cette maladie neuromusculaire rare est « désormais curable, se réjouit, le Pr Arnold Munnich, pédiatre généticien. Pris en charge avant l'âge de trois mois, les bébés peuvent se tenir assis puis, plus tard, debout, et ne décèdent plus. » Selon ces médecins, la France ne fait que rattraper le « retard considérable » qu'elle avait jusqu'alors sur d'autres pays comme l'Italie, la Suède ou l'Autriche qui dépistent plus d'une vingtaine de maladies rares à la naissance.
* originaires des Antilles, Guyane, La Réunion, Mayotte, tous les pays d'Afrique sub-saharienne et le Cap-Vert, Brésil, personnes noires d'Amérique du Nord, Inde, Océan indien, Madagascar, île Maurice, Comores, Algérie, Tunisie, Maroc, Italie du Sud, Sicile, Grèce, Turquie, Liban, Syrie, Arabie saoudite, Yémen, Oman.