Ils n'interviennent pas sur des zones de guerre sous la bannière de l'ONU. Et pourtant, ces casques bleus-là ont aussi une mission d'utilité publique. D'après le Medef, un patron se suiciderait tous les deux jours en France. C'est pour lutter contre ce fléau assez méconnu que la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) du Nord Franche-Comté a lancé en 2018 le dispositif « Casques bleus ». Deux ans auparavant, Louis Deroin et Jacky Bernard, respectivement vice-président du syndicat des PME et président de la CPME 90, accompagnent Vincent, un chef d'entreprise enlisé dans des problèmes économiques. Malgré la résolution de ses problèmes, ce dernier met finalement fin à ses jours. Un drame qui a mis en lumière le manque criant d'accompagnement psychologique adapté aux dirigeants d'entreprise. Si l'on aborde de plus en plus le sujet de la détresse psychologique des salariés, celle des patrons est souvent passée sous silence.
180 suicides de petits patrons par an
« On parle beaucoup des problèmes des entreprises et pas des difficultés des entrepreneurs », regrette Marc Binnie, président de l'Association d'aides psychologiques pour les entrepreneurs en souffrance aiguë (Apesa). Pour rappel, la première cellule d'écoute et de soutien psychologique pour les chefs d'entreprise est toute récente. L'initiative du ministère de l'Economie date du mois d'avril 2020, en plein Covid. Or, « dans un monde économique tumultueux, les difficultés insurmontables, le burnout du dirigeant, les procédures judiciaires, etc. sont une réalité quotidienne pouvant aboutir à la disparition d'une entreprise », reconnaît le dispositif des Casques bleus sur son site qui estime à 180 le nombre de suicides de petits patrons par an en France. Depuis cinq ans, le dispositif financé par la région Bourgogne-Franche-Comté et l'Etat, s'est implanté dans le département de la Côte-d'Or et semble, depuis, attirer des territoires voisins.
Un numéro gratuit et confidentiel
« Il est en cours de déploiement dans le Doubs, en Saône-et-Loire, dans la Nièvre, et va progressivement essaimer dans l'Yonne, la Haute-Saône et le Jura à partir du deuxième semestre 2023 », précise Caroline Debouvry, présidente des Casques bleus Nord Franche-Comté. Gratuit et confidentiel, cet outil « vise à répondre au plus tôt, au plus vite, au plus près aux difficultés de l'entreprise exprimées par le chef d'entreprise ou son entourage », expliquent ses cofondateurs. Le principe est simple : un numéro de téléphone, disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, le 07 62 68 19 77, a été mis en place pour apporter au dirigeant « la meilleure expertise pour ses difficultés ». Au bout du fil, des répondants, issus de la plateforme téléphonique Vipp & Philippe, une entreprise adaptée (EA) située dans le Doubs. Selon les besoins, ils peuvent fixer une première visite sur site. Sur le terrain, deux chefs d'entreprise bénévoles rencontrent le principal intéressé et tentent de comprendre sa problématique. Formés au repérage des troubles psychiques, ces « sentinelles » peuvent alors déclencher la dernière étape, l'accompagnement psychologique. Pour ce faire, ils s'appuient sur l'Apesa, qui gère ce volet.
Bientôt étendu dans toute la France
Dépôt de bilan, divorce, dépression, décès sont les quatre « d » souvent à la source de la détresse psychologique. « Mais chaque forme de difficultés nécessite une écoute et un accompagnement personnel par un professionnel », insiste Caroline Debouvry. Elle-même sentinelle, cette dernière a récemment passé le relais à l'Apesa dans le cadre d'une situation préoccupante. « Un chef d'entreprise m'a confié être dans une impasse. Séparé de sa compagne et SDF, il a déclaré ceci : 'Si je n'étais plus là, ce serait plus simple' ». Un appel au secours pris très au sérieux par les Casques bleus. Preuve d'un besoin croissant, le dispositif est en passe de s'étendre à l'échelle nationale, d'abord en région Provence-Alpes-Côte-D'azur (PACA) puis en Alsace. Des discussions sont engagées avec la ministre chargée des Petites et moyennes entreprises, Olivia Grégoire, pour qu'elle parraine le dispositif.