La Conférence nationale du handicap, le 11 décembre 2014, à l'Elysée, était à « bonne école ». La quatrième et dernière table ronde portait sur l'éducation et la jeunesse, synthèse de la première conférence régionale dédiée à ce thème le 5 décembre, à Lille. Nadjat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, était assise au premier rang. En « bonne élève », elle a tenu à remercier « sincèrement les associations pour le travail accompli depuis 2005. » Avant de dresser son bilan…
260 000 enfants handicapés en école ordinaire
Près de 260 000 enfants handicapés (150 600 dans le 1er degré et 108 600 dans le 2ème) sont aujourd'hui scolarisés en milieu ordinaire. « C'est deux fois plus qu'en 2006, souligne la ministre. Et ce nombre continue d'augmenter chaque année de plus de 10%. » Et d'assurer que son ministère demeure pleinement mobilisé pour que la dynamique s'amplifie encore parce que, selon elle, « l'école a prouvé qu'elle pouvait ne pas être handicapante dès lors que les compensations étaient mises en œuvre. » A l'instar de cette première en France : 200 jeunes autistes sont scolarisés depuis 2014 dans 29 unités d'enseignement (UE) comptant chacune 7 enfants. À terme, 90 UE seront créées. Dès septembre 2015, la qualité des apprentissages des enfants sourds sera renforcée par une meilleure prise en compte de leur choix linguistique et par une formation adéquate des enseignants spécialisés en Langue des signes française (LSF) et Langage parlé complété (LPC).
Une école inclusive et autonome ?
Les intervenants de cette table ronde insistent sur le fait « que l'Education nationale doit s'emparer de la responsabilité de cette inclusion en interne et que l'accueil d'un élève handicapé ne devrait plus dépendre de la décision d'une MDPH ou du milieu médico-social ». Chaque projet d'école devra désormais comporter un volet sur l'accueil et les stratégies d'accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers. Le Gouvernement s'est par ailleurs engagé à permettre aux entreprises de reconnaître au titre de l'obligation d'emploi de 6% les « parcours de découverte des métiers » des collégiens et des lycéens en situation de handicap. Le réseau ARPEJE'H s'est félicité de cette mesure qui, selon lui, « constitue une première marche vers l'employabilité et favorise l'accès des jeunes handicapés au monde de l'entreprise ».
Mobiliser l'enseignement supérieur
Un cursus dans la durée qui ne doit pas s'achever aux portes de l'enseignement supérieur, sésame vers le marché de l'emploi. Entre 2005 et 2014, le nombre d'étudiants en situation de handicap a plus que doublé, passant de 8 000 à 18 200, dont deux-tiers bénéficient d'un accompagnement spécifique. Mais la mention de circonstance : « Peut mieux faire ! ». Plan de bataille pour la ministre qui veut « s'attaquer » à cette question. Et s'attaquer n'est pas un vain mot. A peine 10 % des universités ont adopté un schéma directeur de leur politique handicap tel que prévu par la loi du 22 juillet 2013. La totalité d'entre elles devront l'avoir mis en œuvre d'ici trois ans, tandis qu'un label permettra d'identifier les progrès réalisés en matière d'accessibilité pédagogique. Vaste chantier ! Et la ministre d'affirmer : « l'enseignement supérieur ne peut pas être pensé comme correspondant à un modèle d'élève uniforme ». Dans un autre domaine, l'âge maximum pour se porter volontaire au service civique sera porté à 30 ans pour les personnes handicapées (contre 25 ans pour les autres).
Priorité à la formation des enseignants
Mais ce défi inclusif ne concerne pas seulement les élèves. Car à quoi bon faire assoir des élèves handicapés devant le tableau noir si personne ne sait les accompagner ! C'est en réalité la formation des enseignants qui constitue la pierre d'achoppement de cet édifice tentaculaire. « Cela fait des années qu'on en parle, s'impatiente Vincent Lochmann, président de la FFDYS (Fédération française des dys). Espérons que les nouveaux centres de formation, les ESPE, constitueront de vraies opportunités pour les préparer à accueillir des élèves handicapés. » Confirmé par la ministre puisque leur formation initiale comprend désormais un module spécialisé, notamment, sur les besoins des élèves handicapés. Quant au site internet Eduscol, il propose aux enseignants non spécialisés d'appréhender les différents types de handicaps. 102 000 téléchargements à ce jour ! Pour ceux qui sont déjà en poste, la plateforme M@gistère comprend deux nouveaux modules : un premier sur la scolarisation des élèves autistes ou autres troubles envahissants du développement et un second sur les troubles des apprentissages du langage. 50 000 enseignants ont par ailleurs bénéficié d'une formation continue.
Du mieux pour les accompagnants
Sans oublier la nécessaire pérennisation de l'emploi des accompagnants. 70 000 personnes assurent les missions d'auxiliaire de vie scolaire. La formation de tous ces personnels a été renforcée et, parmi eux, les 28 000 Accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH, ex AVS) ont vu leur statut évoluer à la rentrée 2014. Après avoir exercé 6 ans en CDD, ils peuvent désormais bénéficier d'un CDI de droit public. Une vraie dynamique professionnelle semble engagée, toujours perfectible. 5 000 d'entre eux ont d'ores et déjà été CDIsés. 350 postes supplémentaires ont été créés en 2014 ; le gouvernement en promet autant en 2015. « Une goutte d'eau » selon les associations de parents.
Numérique et contrats de formation
La ministre promet ensuite de mobiliser le numérique au service des besoins éducatifs particuliers : « un super outil pour différencier les pratiques pédagogiques et faciliter une inclusion parfaite en milieu ordinaire ». De nouvelles perspectives également avec les nouveaux « contrats de formation » qui permettent aux décrocheurs de revenir dans le système scolaire jusqu'à 25 ans, dispositif de droit commun qui concerne également les jeunes handicapés. Mais pour « décrocher » encore faut-il avoir un jour « accroché » !
Et les temps périscolaires ?
D'autres enjeux car l'éducation ne s'arrête pas aux portes de l'école... Quid de l'accompagnement sur les temps périscolaires induits par la nouvelle réforme des rythmes scolaires ? La ministre veut « faire en sorte que tous les enfants soient accueillis ». Faire en sorte ! Mais, en attendant ? L'Etat, avec le concours de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), se mobilise pour accompagner, financièrement et en termes de méthode, les collectivités territoriales pour qu'elles puissent rendre leurs activités périscolaires déclarées accessibles à tous dès la rentrée 2015/16. Il est tout de même précisé, « dans le respect de ses budgets ».
Une collaboration accrue avec le médico-social
Vincent Lochmann est de ceux qui souhaitent aller plus loin encore. Il évoque les enfants scolarisés en hôpitaux de jour qui n'ont pas droit à une école inclusive en l'absence d'équipe pluridisciplinaire. » Il les définit comme les « zones d'ombre sur lesquelles il faut travailler ». Ségolène Neuville adhère au propos et souhaite que, plus globalement, « l'accompagnement se développe au sein des écoles ordinaires plutôt que dans les établissements. » Nadjat Vallaud-Belkacem y répond : « Ségolène Neuville m'a fait une demande en mariage que j'accepte. Il faut plus de collaboration entre l'Education nationale et le milieu médico-social. » C'est pourquoi, à la rentrée 2015, 100 unités d'enseignement actuellement installées dans des établissements médico-sociaux seront transférées vers des écoles « ordinaires », tandis que des formations communes entre le ministère de l'Éducation nationale, la fonction publique et les branches professionnelles seront déployées en 2014 et 2015.