« En ce matin de rentrée scolaire, mon garçon ne s'est pas levé pour prendre le petit-déjeuner avec son frère et sa sœur ! Non, lui, il n'a pas école car il n'a pas d'AESH. » Ce témoignage est tiré du rapport de la Défenseure des droits, Claire Hédon, sur l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap.
20 % des saisines
Au lendemain de la conférence annuelle de rentrée du ministre de l'Education nationale, Pap Ndiaye, qui se dit « attentif aux élèves handicapés » (article en lien ci-dessous), ce livret de 36 pages pointe un certain nombre de dysfonctionnements de l'école dite « inclusive ». Pour certains, la rentrée promet encore d'être compliquée. En 2021, 20 % des saisines de l'institution relatives aux droits de l'enfant concernaient des difficultés d'accès à l'éducation d'enfants en situation de handicap, et la plupart déplorait l'absence d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Bien que leur nombre ait progressé de 35 % en 2021, pour atteindre 125 000, la profession « manque de considération, de reconnaissance et se précarise », dénonce le rapport. Il déplore aussi « le nombre grandissant d'enfants dont les besoins sont très largement non ou mal couverts ». Des parents se disent « épuisés par des appels quasi hebdomadaires de l'école » parce qu'il « serait préférable qu'ils gardent leur enfant à la maison ».
Un métier pas très sexy
Malgré une revalorisation du métier et des salaires obtenus en début d'année 2022 (article en lien ci-dessous), ces nouveaux avantages statutaires ne suffisent pas à attirer assez de candidats. La grande majorité des AESH, des femmes, se voit proposer des contrats de 24 heures par semaine, pour l'équivalent de 800 euros par mois (article en lien ci-dessous). A cela s'ajoute une grande mobilité des professionnels qui interviennent dans plusieurs établissements éloignés les uns des autres. Autre problématique soulignée : le manque de formation de ces accompagnants contraints de « se former eux-mêmes sur le terrain auprès des enfants et par leurs propres moyens ». Les missions ne sont d'ailleurs pas clairement formulées, résultat, elles sont régulièrement détournées ou mal attribuées. Exemple avec cet enfant qui a « droit à du matériel informatique et un accompagnement humain à l'école ». « Après plus d'un an sans AESH, une personne lui a enfin été affectée à la rentrée scolaire mais elle ne s'était jamais servie d'un ordinateur et ne lui était donc d'aucune aide. » Enfin, beaucoup se plaignent d'être peu intégrés parmi les autres professions de la fonction publique et sentent parfois même une réticence de la part du corps enseignant : « J'ai été AESH dans la classe d'une enseignante qui refusait de s'occuper de l'enfant que j'accompagnais au prétexte qu'il avait déjà 'un adulte pour lui' », indique l'un d'eux.
Faute de moyens ?
« Ce qui nous a frappés dans les réclamations reçues ces derniers mois et qui sont en augmentation, ce sont les attributions d'AESH qui ne sont pas appliquées faute de moyens financiers et humains », relève Claire Hédon. Or, les conséquences sont dramatiques pour l'enfant : non scolarisation, déscolarisation, ou très peu d'heures de cours. » Elle réclame des « statistiques plus fines sur le temps de scolarisation effective » de ces élèves aux besoins spécifiques. La Défenseure recommande également « d'inscrire dans les budgets de chaque année scolaire une enveloppe prévisionnelle pour les demandes d'AESH en cours d'année », dont beaucoup sont refusées par les établissements scolaires faute de moyens. Elle souhaite aussi que les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui notifient le besoin d'une AESH, se fondent exclusivement sur les besoins de l'enfant, et pas sur le manque de moyens de l'académie.
Une copie « globale » à revoir
Chaque remarque est suivie d'une recommandation. La Défenseure des droits en a rédigé dix, adressées aux ministres de l'Education, de la Solidarité, de l'Autonomie et des Personnes handicapées. Elle encourage l'Etat à « poursuivre les profonds changements engagés » mais en mettant l'accent sur les aspects suivants : la formation en continu, l'évaluation systématique des compétences des AESH, la mise en place d'un accompagnement adapté aux besoins de chaque enfant et une meilleure communication entre chaque acteur (médico-social, associations, familles). En particulier, les AESH « ont besoin d'être formées aux différentes formes de handicap car on ne prend pas en charge de la même manière un enfant autiste et un élève dys », relève Mme Hédon. Elle précise également que « l'accompagnement humain n'est pas la seule réponse à l'inclusion. C'est le système global qui doit être repensé ». Or, parmi les freins de l'école inclusive, le manque d'infrastructures accessibles, l'absence de formation spécialisée des enseignants, l'inadaptation des programmes scolaires et des salles de classe pèsent aussi dans la balance.
« C'est à l'école de s'adapter »
Le rapport pointe en particulier les difficultés du temps périscolaire, comme la cantine, où les intervenants sont rémunérés par les collectivités locales. « Des AESH seraient partantes pour couvrir le temps périscolaire mais on affecte quelqu'un d'autre car cela ne dépend pas du même budget et des mêmes acteurs », au détriment de « l'intérêt supérieur de l'enfant » qui a besoin de stabilité, relève-t-il. Plus généralement, il souligne que le système éducatif doit s'adapter aux élèves en situation de handicap et, pour cela, mieux former les enseignants à les prendre en charge, au lieu de compter uniquement sur les AESH. L'attribution d'un AESH n'est « ni un préalable, ni une condition à la scolarisation de l'élève ». Le rapport cite l'exemple d'un enseignant qui se trouvait face à un enfant ne parvenant pas à comprendre les consignes. Il a décidé d'adapter son enseignement et s'est aperçu que cela bénéficiait à l'ensemble de la classe. « C'est à l'école de s'adapter... Et ce que l'on voit, c'est qu'on demande à l'enfant de s'adapter à l'école », conclut Mme Hédon.