Les Français souhaitent une école plus inclusive, et donc plus de moyens. C'est le bilan d'un sondage réalisé par Harris Interactive à la demande de trois associations de personnes handicapées (Trisomie 21, la Fnaseph et l'ANPEA) et rendue publique le 24 août 2019. Elle entend passer au crible le regard que le grand public porte sur l'insertion des personnes en situation de handicap et la place qui doit être accordée aux élèves au sein de l'école. « Difficile », c'est le terme qui ressort majoritairement et spontanément, suivi de « fauteuil » preuve que le handicap est souvent vu via le prisme de la déficience motrice. Au risque d'éterniser les préjugés sur les autres troubles ? Ce sondage le confirme…
Pas suffisamment insérées
Au quotidien, ils sont 79% à penser qu'il est difficile de se loger, de prendre les transports en commun et d'accéder à l'emploi, presque autant (77%) pour accéder aux commerces de proximité, au sport et aux loisirs. L'accès à l'école est, lui, considéré comme moins difficile (66%). Si les Français pensent majoritairement que les personnes en situation de handicap ne sont pas suffisamment insérées au sein de la société, c'est surtout le cas pour celles avec des déficiences intellectuelles, par exemple trisomiques (81%), ou autistes, battant alors tous les records avec un « score » de 83%, contre « seulement » 65% pour les personnes aveugles. Impression identique dans le champ de l'école, les élèves autistes détenant une fois encore la palme avec 85% de sondés qui jugent qu'ils sont mal ou très mal insérés. Les enfants avec des troubles « dys » (64%), comme la dyslexie, la dysphasie, l'hyperactivité, ou encore en fauteuil ou avec un trouble moteur (62%) seraient, en revanche, davantage épargnés par le système.
Une inclusion mais pour tous
Dans ce contexte, les Français se déclarent « favorables » à la scolarisation des enfants en situation de handicap dans les classes ordinaires, « avec les autres enfants ». Mais avec de réels bémols puisqu'ils se montrent nettement plus nuancés (méfiants ?) concernant les enfants autistes ou avec une déficience intellectuelle ; ils ne seraient en effet que 70% à être favorables à l'inclusion de ces derniers. Ils considèrent par ailleurs majoritairement que l'école ordinaire est le meilleur mode de scolarisation pour les enfants à mobilité réduite ou avec des troubles « dys » (à 86 et 74 %) mais font tomber le même couperet sur les enfants autistes ou avec un handicap mental puisque respectivement 46 et 49 % considèrent qu'ils devraient être scolarisés au sein d'établissements spécialisés. Presqu'un sur deux ! Les clichés ont la vie dure, allant à l'encontre de la Convention de l'ONU sur le droit des personnes handicapées qui, pour rompre avec la tendance historique qui consistait à ségréguer les enfants, a fait de la désinstitutionalisation son cheval de bataille !
Une bonne chose tout de même
Pourtant, et ce quel que soit le handicap, les sondés jugent en majorité que le fait d'accueillir dans une classe un enfant en situation de handicap est une bonne chose pour l'ouverture d'esprit des élèves, même si cela peut poser des difficultés pour l'organisation de certaines activités (activités collectives, maintien de l'attention et du calme, mise en œuvre du programme ou sorties scolaires). Enfin, les Français s'accordent à dire que les moyens alloués à la scolarisation des enfants handicapés sont insuffisants, et estiment que les initiatives des pouvoirs publics pour rendre l'école plus inclusive sont souhaitables et possibles ; ils y sont favorables à 91%. Ils se montrent plutôt « optimistes », déclarant pour les trois quarts que ce projet a des chances de se réaliser !
Rappel d'un droit fondamental
Du côté associatif, l'humeur de certains est plus sombre. Sur un post, Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, s'étonne que les enfants autistes aient été à plusieurs reprises classés dans la catégorie « handicap psychique ». « Trisomie 21, la FNASEPH (dont la présidente a été Mme Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap) et l'ANPEA, qui ont commandé ce sondage, auraient peut-être pu faire attention... », explique-t-elle. Elle déplore également le fait que les Français sont consultés sur un droit pourtant fondamental, celui pour tout enfant handicapé d'être inscrit dans son école de quartier, regrettant que sur l'ensemble des questions le « oui » soit massif lorsqu'il s'agit de handicap moteur ou de troubles dys et les avis nettement plus mitigé en cas d'autisme ou de handicap mental. Les Français légitiment-ils ainsi une inclusion à deux vitesses ? « Fréquenter l'établissement scolaire le plus proche de son domicile, comme le prévoit la loi du 11 février 2005, est un droit encore trop souvent bafoué, rappelle à son tour Jean-Louis Garcia, président de la fédération APAJH. Il dit ne pas être « surpris par les résultats de ce sondage » et les « avis nuancés » qui « confirment les tendances observées lors de l'enquête d'opinion qu'avait fait réaliser l'APAJH lors de la rentrée 2018. » « Tout ceci montre que le combat pour l'Ecole inclusive reste à mener dans le cadre du projet d'une société universellement accessible encore à construire », poursuit-il.
Une ouverture à l'inclusion ?
Pour sa part, Vincent Dennery, président d'Agir et Vivre l'autisme, membre du Collectif autisme, se veut plus « positif » car, selon lui, « ces chiffres montrent une forte ouverture à l'inclusion. La même étude il y a 10 ans n'aurait pas donné les mêmes résultats. » Il regrette néanmoins que les « préjugés sur l'autisme et plus généralement les déficiences mentales » soient encore « trop élevés ». « Les Français n'ont de l'autisme que les conséquences d'un accompagnement inadapté et trop tardif, explique-t-il. Les pouvoirs publics se sont engagés à faire évoluer ces préjugés mais les moyens alloués sont quasi inexistants. Et comme, par ailleurs, les conditions de la scolarisation des enfants autistes sont souvent fragiles, les préjugés de parents n'ont guère de chances d'évoluer... » A l'heure où le gouvernement s'apprête à déployer sa feuille de route pour une rentrée qu'il promet plus « inclusive » que jamais, le constat reste amer…
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