Indignation à Rouen. Un collège à domicile pour enfants handicapés est menacé de fermeture en raison de la loi d'août 2021 sur le « renforcement du respect des principes de la République », dite aussi « loi anti séparatisme ». Votre école chez vous (VECV) pousse un coup de gueule : « La réussite scolaire de ces jeunes est un sujet trop sérieux pour faire l'objet de querelles de préséance. Si la loi est un obstacle à cette réussite, il faut la changer ».
Scolarisation gratuite de la maternelle à la terminale
Depuis 1954, cette association propose une scolarisation à domicile des enfants et adolescents malades ou en situation de handicap, de la maternelle à la terminale, afin d'éviter leur exclusion. L'école est gratuite et laïque, les enseignants qualifiés, diplômés, rémunérés. En effet, malgré les progrès accomplis depuis 2005, certains ne trouvent pas dans l'école « ordinaire » de solution adaptée à leurs besoins particuliers.
Ecole hors contrat : privée de subventions
A Paris, VECV gère une école primaire, un collège, un lycée, tous trois sous contrat, « avec une contribution importante de l'Etat à la rémunération du corps enseignant ». En 2011, elle a ouvert une école primaire à Rouen, qui est passée sous contrat en 2016, puis en 2017 un collège. Problème : la mise sous contrat de celui-ci vient d'être refusée. En conséquence : l'absence de subventions et des frais de scolarités fixes et bien plus élevés que pour une école sous contrat.
Fermeture en juillet faute de financements
« Ne bénéficiant pas des moyens financiers nécessaires pour continuer à supporter seuls les coûts de fonctionnement de ce collège, nous devrons le fermer à la fin de l'année scolaire 2024, laissant sans solution les seize enfants actuellement scolarisés et les onze encore sur liste d'attente », annonce VECV.
Une loi pour « éviter l'endoctrinement »
Motif du refus ? L'instruction en famille (ou école à domicile) est extrêmement limitée depuis 2021 pour éviter « l'endoctrinement d'enfants dès le plus jeune âge », selon le gouvernement. Si autrefois elle nécessitait une simple déclaration, l'IEF est désormais soumise à autorisation préalable de l'Etat et à inspections.
Pas d'école sans murs
Par ailleurs, « le Code de l'éducation, qui a été modifié, stipule qu'une école doit avoir des murs pour accueillir les élèves », indique Olivier Solliliage, vice-président de Votre école chez vous. « L'idée qu'une école puisse être pensée comme une communauté d'enseignants compétents, formés, se déplaçant au domicile d'élèves physiquement ou psychiquement diminués a été tout simplement ignorée », déplore-t-il.
Une école hors normes
Pire, « la qualité même de 'collège hors contrat', actée lors de l'ouverture, nous est désormais déniée », poursuit Olivier Solliliage. Selon lui, il semblerait que « toute école qui, de par sa seule existence, pointe les insuffisances de 'l'école inclusive' telle qu'elle conçue aujourd'hui (c'est-à-dire priorisant l'enseignement en collectivité) » dérange et est perçue comme une contrainte.
Des parcours « brillants »
Depuis 70 ans, « des milliers d'élèves ont été inscrits à VECV, parfois pour une ou deux années, parfois toute une scolarité », indique l'association. Certains parcours sont « brillants », à l'image de Thomas Mordant, qui a opté pour une scolarité mixte (en alternance avec un établissement ordinaire) du CE2 jusqu'à la première, aujourd'hui docteur en mathématiques et enseignant-chercheur à l'université Paris-Saclay (Lire : Mental d'acier, corps de porcelaine : un étudiant inspirant). « Ses études lui ont toujours tenu très à cœur et l'ont aidé à affronter les épreuves de la maladie, devoir les interrompre aurait été une catastrophe, témoigne sa mère, Isabelle Mordant. L'accompagnement soutenu de VECV et sa bonne coordination avec l'école ordinaire ont été très précieux. »
Favoriser l'autonomie des élèves
D'autres parcours ont été interrompus par la maladie ou même le décès... « Dans tous les cas, notre politique a été de considérer ces enfants d'abord comme des élèves, comme des citoyens en devenir, autonomes et responsables », assure VECV. Et de conclure : « Nul ne conteste les efforts considérables, et souvent pertinents, que l'Etat déploie pour scolariser des élèves en situation de handicap. Qui peut affirmer pour autant que tous les besoins sont couverts et que la situation est satisfaisante ? ».
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