Comment faire lorsqu'on est élu en situation de handicap pour financer l'équipement et l'accompagnement nécessaires à l'exercice de cette fonction ? Des parlementaires pensaient avoir trouvé la solution : consacrer 250 000 euros du budget du Fiphfp (fonds dédié à l'emploi des personnes handicapées dans le public) par an à ce poste.
Un débat confiant
L'amendement portant sur l'article 47 du projet de loi de finances pour 2023 avait reçu un avis défavorable du gouvernement et de la majorité mais la mobilisation qui s'est poursuivie au Sénat, portée par le sénateur Philippe Mouiller, avec le soutien d'une cinquantaine de sénateurs de la majorité LR, laissait présager une issue plus prometteuse. Matthieu Annereau, président de l'APHPP (Association nationale pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées), élu en situation de handicap qui a fait de l'accès aux fonctions électives son cheval de bataille, se disait confiant sur son adoption, d'autant que le Fiphfp avait donné son feu vert face à des « sommes mesurées » par rapport aux 138 millions d'euros de ses recettes en 2021.
Contre les injonctions de l'ONU
Et pourtant ! L'amendement a été retoqué par le Sénat le 24 novembre 2022. Matthieu Annereau se dit « très déçu de ce rejet », d'autant que, selon lui, il ne s'agissait pas d'augmenter le budget du Fiphfp et donc d'imposer à l'Etat des dépenses supplémentaires mais de « redéployer cette enveloppe en interne ». Pour Guillaume Baugin, l'un des responsables de l'APHPP, qui a activement travaillé avec l'équipe Mouiller à sa rédaction, c'était un « engagement qui ne coûtait rien et allait dans le sens de la sensibilisation actuelle ». « Notre demande fait écho à la position de l'ONU en 2021 après son audition de la France, qui encourageait notre pays à soutenir l'engagement des personnes handicapées dans la vie politique, le jugeant alors insuffisant », s'exaspère Matthieu Annereau. Il y a d'un côté des injonctions internationales et, de l'autre, le refus de nos pouvoirs publics ».
Manque de compensation, un frein
Or le manque de moyens de compensation peut manifestement être un frein. L'exercice d'un mandat local implique des gages de présence, de participation et d'investissement que certains élus en situation de handicap ne sont en mesure d'honorer qu'à la condition de bénéficier d'aides nécessaires : aménagements particuliers, matériel adapté, recours aux aides humaines... « Ces aides ont un coût non négligeable qu'il est parfois difficile d'assumer », détaille l'amendement. Matthieu Annereau confirme que « les personnes handicapées rechignent à faire un pas en politique car elles ne sont pas certaines d'avoir les moyens d'assurer les adaptations imposées par leur handicap ».
D'autres financements...
Il consent néanmoins qu'il existe d'autres biais, notamment le recours à la PCH (Prestation de compensation du handicap) pour l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective (de 156 heures d'aide humaine par an) mais, selon lui, « ce n'est pas suffisant ». Il cite notamment le cas d'un élu sourd qui, ayant besoin de davantage d'heures d'interprétariat en LSF, a dû rogner sur ses droits personnels. Les élus peuvent également bénéficier du soutien de leur collectivité territoriale mais cela reste « au bon vouloir de chacune et au coup par coup », ce qui peut « poser des problèmes à ceux qui ne sont pas dans les petits papiers de la majorité ou encore pour les petites municipalités qui ont peu de moyens ».
Au nom de l'APHPP, il promet de « ne pas lâcher l'affaire », en s'appuyant sur les remontées de terrain des élus concernés même si, en l'absence de statistiques, il est difficile de les dénombrer. Selon lui, cet amendement aurait été « un appel d'air pour les encourager à se faire connaître » et une « pompe d'amorçage pour réveiller le sujet ».