Épilepsie : 800 000 oubliés en danger ?

Le 11 février, à l'occasion de la journée mondiale dédiée, une association lance un cri d'alarme au nom des 800 000 épileptiques de France : déremboursements, déserts médicaux, absence de plan national... Vers une situation critique ?

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« Je l'ai vu, tomber si souvent, j'ai essayé d'éviter les blessures », chante L'originale K. « L'épilepsie fout en l'air ma vie, elle fait souffrir mon enfant et personne ne comprend ». Ma détresse, extrait de l'album MC Mamans Courage, est la première chanson française sur le sujet écrite en pleine conscience par la maman d'un enfant épileptique sévère.

2ème maladie neurologique

110 personnes par jour en France font une première crise d'épilepsie. Au total, ce sont entre 650 000 et 800 000 patients concernés. Cette maladie neurologique, la 2ème plus fréquente après la migraine, se caractérise par la répétition spontanée de crises liées à un dysfonctionnement électrique et passager du système nerveux central. Elle entraîne un impact considérable sur le quotidien ; par exemple, quatre enfants atteints sur dix ont des troubles de l'apprentissage et un quart des personnes épileptiques présentent une déficience intellectuelle tandis que le taux de suicide des patients pharmaco-résistants est dix fois supérieur à celui de la population générale. Le bilan semble accablant et pourtant l'épilepsie serait « le grand mal oublié en France », selon Epilepsie-France. Le 11 février 2019, à l'occasion de la journée mondiale dédiée à cette maladie, l'association tire le signal d'alarme sur de nombreux points : le déremboursement et ruptures d'approvisionnement des médicaments, la stigmatisation des malades, la désertification médicale…

Des traitements non remboursés

Des traitements lourds, « essentiels à la vie de la majorité des personnes atteintes d'épilepsie », selon cette association, étaient, jusqu'au 21 décembre 2018, remboursés à 100%. Ce n'est plus le cas pour le Lamictal, médicament le plus prescrit. « Après des changements contraints par le nouveau protocole sur les médicaments à base de valproate suite au scandale de la Dépakine, c'est un nouveau coup d'épée dans le dos des patients », regrette l'association.  Selon elle, « les plus touchés sont évidemment les plus vulnérables, condamnés aux minimas sociaux. Et pour cause : un tiers des patients épileptiques est sans emploi à cause de la maladie, les parents s'arrêtent de travailler faute de solution pour leur enfant épileptique ». « J'ai un enfant polyhandicapé, épileptique, nourri au Ketocal, plus remboursé non plus, et maintenant le Lamictal, son antiépileptique quotidien... Je n'ai même pas cette somme pour vivre... », témoigne une maman sur le forum d'Epilepsie-France. Les pouvoirs publics ont été alertés, sommés de revenir sur cette décision. Ce sont aussi les ruptures et tensions d'approvisionnement en médicaments qui sont en cause, de plus en plus courantes, avec la nécessité urgente de revoir la chaîne de production et de distribution.

Des principes obsolètes

« On croit encore qu'il faut tenir la langue en cas de crise », poursuit l'association qui explique que, « par manque d'information, les gestes d'urgence sont mal communiqués et les noyades sont trop fréquentes ». Elle regrette que, contrairement à l'autisme qui a bénéficié de quatre plans, aucune stratégie nationale n'ait été déployée. « Les enfants sont rejetés. Notre association se retrouve contrainte de défendre les patients au travers de procès alors que notre rôle devrait être à 100% de soutenir et d'accompagner les familles. Le manque de place en institut spécialisé continue à être criant, en particulier pour les personnes polyhandicapées. Il est totalement intolérable en 2019 que des enfants et des adultes soient laissés à l'abandon sans solution. »

Pas assez de professionnels formés

C'est par ailleurs la désertification médicale en neurologie qui nourrit les inquiétudes, ainsi que le manque de professionnels formés parmi les 2 500 neurologues de France, ce qui entraîne le report d'opération pourtant nécessaires ou des temps de diagnostics trop longs. « Il n'est pas rare de trouver des patients faisant parfois plusieurs centaines de kilomètres pour leur consultation », illustre l'association, d'autant que, selon elle, leur nombre ne cesse d'augmenter. Ils sont alors contraints d'être suivis par des généralistes qui ont reçu moins de 10 heures de formation à l'épilepsie en 8 ans d'études !

« L'Etat organise l'apartheid médical des personnes épileptiques, sans concertation et sans préavis ! Mme Buzyn, les 800 000 patients épileptiques ne vous disent pas merci », conclut Delphine Dannecker, présidente d'Epilepsie France, interpellant la ministre de la Santé.

© Peter Patfawl, auteur du manuel illustré Comment garder un enfant autiste quelques heures pour aider ses parents, aux éditions La boite à Pandore.

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