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Esat : une mutuelle pro pour tous le 1er juillet 2024

Le 1er juillet 2024, les travailleurs handicapés employés au sein des Esat ont acquis de nouveaux droits, notamment une complémentaire santé collective obligatoire. Quels changements ? Les avantages ? L'impact sur ces établissements ? Réponses.

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Main posant un stéthoscope sur un petit cochon rose en tirelire.

Handicap.fr : La loi « Plein emploi » de 2023 prévoit, à partir du 1er juillet 2024, la mise en place d'une complémentaire santé collective obligatoire pour les 120 000 travailleurs d'Esat (établissements et services d'aide par le travail) qui, rappelons-le, ne relèvent pas du droit du travail. Concrètement, qu'est-ce que cela implique ?
Mehdi Nabti, vice-président du réseau Gesat : Tous les usagers d'Esat bénéficient désormais d'une protection sociale renforcée grâce à cette mutuelle de groupe mise en place à l'échelle nationale, avec un « panier des soins » identique à celui qui est proposé en entreprise. Ils ont donc maintenant les mêmes offres que les salariés qui les encadrent (ndlr : ticket modérateur sur l'ensemble des actes, forfait journalier en cas d'hospitalisation, 25 % au titre des dépassements d'honoraires des prothèses dentaires et actes d'orthodontie...). Sauf que, dans les faits, c'était déjà souvent le cas...

H.fr : C'est-à-dire, les usagers bénéficiaient déjà d'une complémentaire santé ?
NB : Bien sûr, la plupart bénéficiaient déjà de la mutuelle de leurs parents, leur conjoint ou d'une mutuelle personnelle. Plusieurs initiatives inscrites dans les décrets d'application étaient déjà pratiquées dans les établissements Et, pour ce qui est de la mutuelle professionnelle, plusieurs Esat avaient devancé la loi, tout comme d'autres mesures envisagées aujourd'hui. Sur les trois établissements que je dirige, deux l'ont mis en place depuis une quinzaine d'années -tandis que le titre de transport était déjà pris en charge à hauteur de 50 %-. On ne laisse pas un usager sans couverture santé... L'idée est maintenant de généraliser les avantages que l'on retrouve dans le milieu ordinaire.

H.fr : Dans ce cas, quel est l'avantage de cette « mutuelle de groupe » ?
MN : Des économies pour les usagers car l'employeur prend en charge au minimum la moitié de leurs cotisations, ou plus selon le budget de l'établissement. C'est le même principe que dans les entreprises, chaque établissement est libre de fixer le montant de sa contribution.

H.fr : Les Esat vont-ils devoir passer par des mutuelles spécialisées ?
MN : Non, cela relève du droit commun.

H.fr : Selon votre expérience, les usagers qui peuvent déjà en bénéficier ont-ils souvent recours à la mutuelle professionnelle ?
NB : Généralement moins que les salariés car certains bénéficient déjà d'une prise en charge totale ou partielle liée à leur problématique de santé, par exemple via la Complémentaire santé solidaire (ex CMU-C).

H.fr : Ceux qui ont déjà une couverture personnelle peuvent-ils refuser la mutuelle collective ?
MN : Ils peuvent, tout d'abord, résilier leur mutuelle individuelle pour faire des économies. Pour ceux qui souhaitent vraiment la conserver, nous ne connaissons pas, à ce jour, les cas de dispenses, un décret en préparation devrait les indiquer. Dans le droit commun, il en existe sept. Sans motif de dispense, la complémentaire santé collective ne pourra pas être refusée.

H.fr : Certains devront donc payer deux mutuelles ?
MN : S'ils ne souhaitent pas perdre leur mutuelle individuelle, effectivement, mais ils peuvent faire baisser son montant en demandant à ne payer que le « complément ». On appelle cela une « sur-complémentaire ». Donc cela peut être intéressant mais c'est un sujet très technique, qui dépend vraiment de chaque situation et pour lequel je ne peux pas donner de conseil global. C'est loin d'être évident.

H.fr : Finalement, cette mesure ne va pas considérablement changer la donne, si ce n'est entraîner un transfert vers les Esat ?
MN : Exactement. Cela va basculer sur le budget des Esat, ce qui n'était pas le cas auparavant. C'est aussi une charge supplémentaire en temps car le sujet est complexe. Les éducateurs vont devoir accompagner les usagers, leur expliquer la nouvelle marche à suivre. Les salariés, les secteurs éducatif, comptabilité, administratif, financier vont être impactés pour la gestion des dossiers...

H.fr : Revenons à l'impact financier, a-t-il été anticipé par votre réseau ?
MN : Tous les établissements n'ont pas pu anticiper, faute de budget. Ceux qui n'ont pas les ressources nécessaires devront peut-être piocher dans le budget « social », ce qui provoquera un déficit au niveau de l'Agence régionale de santé (ARS). Certains inscriront peut-être cette dépense au budget « commercial », ce qui n'est adapté. Il faut vraiment la faire passer dans le budget « social », afin de montrer que nous sommes en déficit et n'avons pas les moyens nécessaires pour travailler.

H.fr : Les décrets qui doivent détailler les modalités de cette réforme ne sont toujours pas parus. En attendant, les Esat peuvent-ils refuser d'appliquer la loi ?
MN : Techniquement, ils n'en ont pas le droit. Mais certains le feront sans doute, comme ils l'ont fait par le passé avec l'obligation de mettre en place les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (Cpom), l'état ayant alors demandé à la DGARS (direction générale des ARS) de desserrer le calendrier de signature des Cpom précités, soit jusqu'au 31 décembre 2026. Pour la mutuelle, de nombreux établissements et associations vont donc attendre la parution des décrets avant leur mise en place.

Sur ce point, Franck Morel, président de Solaé Prévoyance, explique : « En tant que partenaire des Esat et en l'absence du décret d'application de la loi du 18 décembre 2023, nous recommandons à chaque Esat de saisir l'Urssaf par le biais d'un rescrit social, afin de se protéger et de dissiper le flou juridique qui empêche aujourd'hui l'ensemble des établissements de contractualiser sereinement. »

H.fr : Au final, cette mesure sur les mutuelles de groupe est-elle satisfaisante ?
MN : Globalement, cela avance dans le bon sens pour les usagers. Le seul problème, c'est de savoir qui va prendre en charge ce coût. L'IGAS et l'IGF (inspections de l'action sociale et générale des finances) ont bien noté dans leur rapport que la réforme de la rémunération, conjuguée à la mise en place déjà actée de la complémentaire santé collective, engendrerait des impacts de premier ordre sur l'équilibre économique des Esat. On estime que près de 55 % d'entre eux se trouveraient en situation de déficit, contre 29 % actuellement. Une aide viendrait probablement alléger cette dépense mais on ne sait pas encore à quelle hauteur. Nous attendons la sortie d'un décret en juillet 2024...

A noter que, depuis le 1er juillet 2024, les usagers bénéficient également d'une prise en charge par leur Esat d'une partie des frais de transport pour se rendre sur leur lieu de travail et, sous certaines conditions, des titres-restaurant et chèques vacances. Pour en savoir plus : Décret paru : nouveaux droits pour les travailleurs d'ESAT!

© Stocklib SIphotography

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