En ce mois de mars 2021, le travail des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) est passé au crible… D'un côté, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), dans son dernier baromètre, observe une « légère amélioration », notamment avec l'octroi de plus de droits à vie, même s'il est admis que des difficultés demeurent (article en lien ci-dessous). De l'autre, le Collectif handi-actif explore le versant des usagers via son enquête « La MDPH et vous », menée sur les réseaux sociaux et auprès des associations. En deux mois, 980 familles, à 95 % en tant que parents d'enfant handicapé ou malade, ont répondu à pas moins de 75 questions. Le verdict est moins nuancé.
Première observation : les délais de traitement des dossiers par les MDPH demeurent « incroyablement longs lorsqu'un besoin vital (déplacement, hygiène, mise en place d'un moyen de communication) est en jeu ». 60 % des familles ont ainsi attendu plus de six mois et 7 % plus d'un an ! Pour comparer, le baromètre de la CNSA mentionne, lui, une durée moyenne de 4,2 mois fin 2020 (contre 4,6 mois en 2019).
Perte de pouvoir d'achat
C'est ensuite l'argent qui est au cœur des préoccupations. Ainsi, 85 % des parents estiment que le handicap de leur enfant a sérieusement diminué leur niveau de vie, la moitié assurant avoir perdu entre 30 et 50 % de leurs revenus depuis le diagnostic. Ainsi, seuls 13 % ont pu garder un travail à plein temps. Chiffre plus alarmant : un aidant sur trois a dû arrêter complétement de travailler pour s'occuper de son enfant handicapé. Un phénomène encore plus inquiétant pour les familles monoparentales touchées de plein fouet. « Si un système d'indemnisation est mis en place, il peine à contrecarrer les effets désastreux du handicap sur le budget familial », déplore le Collectif.
Ce sondage observe également que de nombreuses familles ayant un enfant mineur, qu'elles aient opté pour la PCH (Prestation de compensation du handicap) ou l'AEEH (Allocation d'éducation de l'enfant handicapé), ne bénéficient pas du montant des indemnisations auxquelles elles ont droit et se retrouvent donc « lésées ».
Des restes à charge trop importants
Le point jugé le « plus problématique » est celui des restes à charge importants sur les aides-techniques. 84 % des parents qui ont fait appel à la MDPH y ont été de leur poche, même après la prise en charge via la PCH et le Fonds de compensation. Pour 40 % d'entre eux, il égale ou excède 35 % du prix de l'aide technique quel que soit son coût. Les familles avec un enfant polyhandicapé sont particulièrement concernées. A titre d'exemple, tous handicaps confondus, les restes à charge pour l'aménagement du domicile ont dépassé 20 000 euros pour une famille sur dix. Pour faire face à ces dépenses, 58 % ont dû puiser dans leurs propres ressources. Les autres ont créé une association ou organisé des événements afin de collecter des fonds (18 %), obtenu de l'aide auprès d'associations spécialisées (12 %) ou des fonds de solidarité des mutuelles, des caisses de retraite, de la CPAM (6 %). Selon le Collectif, cela pose un « problème d'égalité entre les familles », entre celles qui ont une « bonne » mutuelle ou une « bonne » caisse de retraite et les autres. « L'overdose administrative qui gagne les familles et les pousse à renoncer ainsi que le manque d'informations sont peut-être également des freins importants », observe-t-il.
Des demandes non abouties
Enfin, ce sondage démontre que toutes les demandes d'aide technique n'aboutissent pas ; ainsi, 48 % des familles percevant l'AEEH et ses compléments se sont vues refuser une prise en charge. « Or, pour qu'un dossier puisse être discuté en commission, il doit être complet, avec l'argumentaire de professionnels qui suivent l'enfant et les ordonnances. Il est donc peu vraisemblable que ces demandes soient infondées », s'étonne le Collectif. Dans ce domaine, « les MDPH font ce qu'elles veulent » et cela dépend de la « politique des départements », poursuit-il, constatant que les aides techniques « refusées » sont souvent les plus novatrices ou, de plus en plus, celles partiellement remboursées par l'Assurance maladie (selon la LPPR ou liste des produits et prestations remboursables). Il encourage donc à « revoir tous les codes LPPR pour les adapter aux nouvelles technologies ».
Autre situation jugée « ubuesque » : le « conflit » entre deux aides techniques ayant le même code LPPR (coque de fauteuil, siège auto ou de toilettes) dont l'enfant a besoin la même année, par exemple lorsqu'il grandit. « Que privilégier ? L'installation sur les toilettes ou le fauteuil, la sécurité des déplacements en voiture ? Quels parents doivent faire ce genre de choix ? », s'indigne le Collectif. Selon ce sondage, 43 % l'ont fait au moins une fois…
Quelles solutions ?
Tirant de nombreux enseignements de cette enquête, le Collectif handi-actif propose des pistes d'amélioration pour protéger et soulager les familles. Tout d'abord mieux les informer sur leurs droits dans un contexte où les informations, complexes, sont difficiles à obtenir, en proposant par exemple un courrier clair et pédagogique joint systématiquement à chaque décision. Mais aussi sensibiliser les agents des MDPH ou encore les fonds de solidarité des caisses de retraite et des mutuelles. Elle encourage par ailleurs à simplifier certains dispositifs, par exemple en appliquant un seul tarif horaire pour l'aide humaine de l'aidant familial PCH. D'autres idées ? Augmenter le plafond de la PCH aide technique, actuellement de 3 960 euros. Et pourquoi ne pas développer le matériel à usages multiples ? 60 % des familles se disent intéressées par la location et 85 % par une aide technique reconditionnée et garantie. Ultime revendication : que le gouvernement s'engage à limiter les restes à charge pour ces aides techniques vitales à 10 % de leur montant maximum !
Le gouvernement en phase ?
Seront-elles entendues ? Rappelons que, fin janvier 2021, le gouvernement a installé le comité de pilotage de l'amélioration de l'accès aux aides techniques (article en lien ci-dessous). « Aujourd'hui, bénéficier d'une aide technique adaptée au projet de vie de la personne relève du parcours du combattant, ça n'est pas acceptable », déplorait alors Olivier Véran, ministre de la Santé. Pour changer la donne, il annonce une « réforme ambitieuse » afin de « réduire les restes à charge, accélérer le financement, proposer des aides techniques de qualité, s'engager dans la voie d'une économie circulaire et proposer des formations adaptées aux professionnels qui interviennent dans ce parcours ». Des raisons d'espérer ?