Film Apprendre à t'aimer : papa bouleversé par la trisomie

Apprendre à t'aimer est diffusé en septembre sur M6. Inspiré d'histoires vraies, c'est le parcours d'un papa qui peine à accepter la naissance de sa fille trisomique, avant qu'elle ne métamorphose sa vie. Echange avec Stéphanie Pillonca, réalisatrice

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Le 8 septembre 2020, M6 organise une soirée spéciale consacrée à la trisomie 21. A 21h05, la chaîne diffusera le téléfilm Apprendre à t'aimer, suivi d'un plateau présenté par Flavie Flament en présence des comédiens et de familles concernées. A 23h05, place à deux documentaires Autistes ou trisomiques : différents et heureux ! ainsi que Trisomiques... et alors ?. En attendant, la réalisatrice Stéphanie Pillonca dévoile les coulisses de son dernier long-métrage...

Handicap.fr : Pourquoi avoir choisi ce thème ? Etes-vous confrontée au handicap, et notamment à la trisomie 21, à titre personnel ? C'est souvent le cas de ceux qui s'engagent…
Stéphanie Pillonca : Non, mais cela fait un moment que je réalise des films en lien avec le handicap. Apprendre à t'aimer est mon troisième. C'est en tournant, pour Arte, Laissez-moi aimer (article en lien ci-dessous), que j'ai eu l'occasion d'échanger avec un certain nombre de papas d'enfants porteurs de trisomie 21 et je me suis rendu compte que le chemin était plus délicat que pour les mamans. J'ai donc interviewé une trentaine de pères pour l'écriture de ce scénario.

H.fr : Qu'est-ce qui vous nourrit dans le handicap ? 
SP : Mon premier film, Je marcherai jusqu'à la mer, est né de la rencontre avec une jeune femme en situation de handicap qui m'a bouleversée par sa personnalité, sa force vitale et sa fougue. Un grand coup de cœur ! C'est à travers elle que j'ai découvert le milieu du handicap, un moteur, une source d'inspiration et d'énergie. Mais j'ai aussi réalisé, entre temps, d'autre films qui n'étaient pas en lien avec ce thème.

H.fr : Pour l'écriture du scénario, avez-vous été accompagnée par des associations de personnes trisomiques ?
SP : Oui, par Trisomie 21 Var. J'ai sympathisé avec sa présidente et j'ai pu me rapprocher de tous ces papas grâce à elle. Je voulais vraiment être au plus près du vécu de ces familles et éviter tout ce qui pouvait être romancé ou fictif. 

H.fr : Comment ce projet a-t-il été accueilli par les chaînes de télévision, et en particulier M6 ? 
SP : Fantastiquement bien puisque je ne suis pas allée voir d'autres chaînes. Ils ont accepté tout de suite de financer ce projet. J'ai toujours rencontré des gens qui avaient plutôt soif de diversité. 

H.fr : En 2017, Mention particulière, un téléfilm sur une jeune femme trisomique qui passe son bac, fait un carton sur TF1 (article en lien ci-dessous). Ce succès populaire vous a-t-il aidé à défendre votre film ?
SP : Non car je ne défends pas le handicap « spectaculaire », comme on le fait trop souvent en France. On ne veut parler des personnes handicapées que si elles sont hyper méritantes, et cette surenchère me gêne un peu. Je n'ai rencontré aucune personne trisomique qui avait passé son bac. Mais, après, je sais bien que les chaînes sont opportunistes et visent aussi l'audience. C'est donc courageux de la part de M6 car l'histoire de ce papa est d'une assez grande violence morale au début.

H.fr : Comment a réagi l'acteur Ary Abittan, qui incarne ce papa, à votre demande ? 
SP : Je cherchais vraiment un acteur à la mode et « populaire », dans le sens qu'il rassemble, parce que ce sujet le méritait. J'ai écrit à Ary sans le connaître et, lorsqu'il a lu le scénario, il a dit oui tout de suite. Parce qu'il est lui-même papa mais aussi parce qu'il connait très bien le milieu du handicap puisqu'il s'est occupé de personnes handicapées pendant plus de dix ans avant de devenir comédien. 

H.fr : Pour caster les trois fillettes qui incarnent le rôle de Sarah, avez-vous été confrontée à la réticence de certains parents ?
SP : Non, ceux d'enfants trisomiques sont en général très désireux de partager et d'ouvrir les cœurs pour que les mentalités évoluent. Même si tous étaient assez jeunes et encore très impactés par cette déflagration dans leur vie, il semblait important pour eux de s'engager. 

H.fr : Le titre est très fort, presque provocant. Est-il nécessaire « d'apprendre à aimer » les enfants différents ?
SP : J'avais en réalité choisi un autre titre : Comme un père avant. Mais la chaîne a trouvé qu'il n'était pas assez explicite. Je n'étais pas forcément pour mais, en parlant avec les parents, tous m'ont dit qu'il y avait un chemin à faire non pas pour « aimer » mais « accepter » la différence. Ce papa finit par comprendre qu'il a peur de ce qu'il ne connaît pas, comme nous tous, et devient alors un autre homme, rassuré, comblé et aimant, qui voit s'ouvrir des perspectives insoupçonnées dans sa vie. 

H.fr : Est-ce plus compliqué pour les papas ?
SP : Les mamans, après le choc de l'annonce, se rendent compte, souvent en moins de 48h, qu'elles vont devoir porter tout le monde et remontent aussitôt à la surface, aimant le plus souvent d'un amour inconditionnel. Pour les papas, c'est beaucoup plus dur, plus long, même si j'en ai rencontré un pour qui cela avait été une évidence alors que sa femme était abattue et hors d'elle. Il avait grandi avec un petit voisin trisomique et ne s'est pas inquiété plus que ça... 

H.fr : 96 % des couples qui apprennent que leur enfant est atteint de trisomie 21 décident une IMG (interruption médicale de grossesse) en France… Les choses peuvent-elles changer à la faveur de films comme le vôtre ?
SP : Pour les trois familles des fillettes, elles n'ont découvert la trisomie qu'à la naissance et ont accueilli l'enfant. Mais certaines m'ont confié qu'elles auraient mis un terme à la grossesse, avant d'ajouter : « On est finalement content de ne pas avoir su car cet enfant nous a apporté quelque chose que nous n'aurions pas connu dans un schéma de vie classique. Il nous a appris l'humilité, l'espérance, la tolérance, le courage et une part de mystère et de merveilleux ». Il y a dans l'attachement de ces parents quelque chose de fou, qui nous apprend beaucoup sur notre société, nos exigences, le paraître. Mais je me garderais bien de juger ceux qui ont fait un autre choix...

H.fr : Avez-vous néanmoins entendu d'autres points de vue, de parents pour qui le « préjudice » du handicap, comme l'exprime le papa dans le film, demeure ?
SP : Non, jamais aucune famille ne m'a dit « la venue de cet enfant ne m'a pas fait progresser ». Même si je ne connais pas le handicap très lourd, j'ai rencontré des centaines de familles et, malgré les larmes et les douleurs, toutes m'ont convaincue qu'après la traversée du désert il y a toujours quelque chose qui nous métamorphose.

H.fr : L'Assemblée nationale a récemment rejeté un texte de loi sur le DPI-A qui permettrait de détecter des anomalies chromosomiques sur des embryons avant implantation lors d'une PMA (article ci-dessous). Qu'en pensez-vous ? 
SP : C'est compliqué. J'ai signé une tribune à ce sujet dans La vie et je crois que les gens n'ont pas pris la mesure de ce que cela implique de légiférer sur cette question. Faire un tri d'embryon, et l'écrire dans les textes, cela me gêne. Bien sûr, j'ai conscience que les femmes ont par ailleurs la possibilité d'avorter jusqu'au dernier moment...

Photo : @jawadleflegme 

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