Film : Fils de Garches, ces corps "réparés à la dure"

Atteint d'amyotrophie spinale, Rémi Gendarme-Cerquetti est retourné, pour son nouveau docu, "Fils de Garches", sur les lieux de son enfance, l'hôpital de Garches, là où l'on réparait "à la dur" les corps différents. En salle le 23 mars 2022.

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Garches, au milieu des années 1980. Sur la route qui le mène à l'hôpital, à deux pas de La Défense, Rémi Gendarme-Cerquetti se prend à rêver une autre vie. Il observe les voitures embouteillées autour de lui, leurs passagers. Il imagine leur vie, le trajet métro-boulot-dodo, « leur appartement au 5e », leurs plaisirs simples : « Eux, ils ne connaissent pas la grande horloge ». Lui si. Atteint d'amyotrophie-spinale infantile, une maladie génétique qui affaiblit progressivement les muscles jusqu'à la paralysie, il grandit avec l'idée qu'il « ne vivra pas longtemps ». Il se rend alors chaque semaine à l'hôpital Raymond-Poincaré (article en lien ci-dessous) dans les Hauts-de-Seine (92), centre de référence des maladies neuromusculaires d'Ile-de-France. Et, chaque semaine, c'est la même appréhension au pied de ce bâtiment en U recouvert de briques rouges, massif et rectiligne, style Le Corbusier, plus connu sous le nom de « Garches ».

Replonger 40 ans en arrière

« Ça y est, on y est », soupire Rémi Gendarme-Cerquetti, près de quarante ans plus tard. Aujourd'hui réalisateur, il revient avec une caméra sur les traces de son enfance, marquée au fer rouge par ses séjours à l'hôpital pour « redresser son corps différent ». Dans le documentaire Fils de Garches, qui sort en salle le 23 mars 2022, il part en 90 minutes à la rencontre des fantômes du passé, dans ce lieu qui semble resté figé et donne la parole à ces anciens fils et filles de Garches. A travers leur mémoire traumatique, le spectateur replonge 40 ans en arrière. A l'intérieur de l'hôpital, une grande salle avec plein de lits occupés par des enfants, la peinture qui s'écaille, le sol « d'un bleu dégueulasse ». « Il y fait toujours froid » et « l'odeur d'hôpital » prend à la gorge. Les images sensorielles restent imprégnées à l'esprit de ses anciens patients. Certains n'ont que trois ans lorsqu'ils y entrent pour la première fois pour bénéficier de soins orthopédiques.

« Droit pour être comme les autres »

« La maladie de l'amyotrophie spinale (article en lien ci-dessous, NDLR) atteint les cornes antérieures de la moelle et entraîne un déficit moteur exclusivement », explique le professeur Christophe Glorion, chirurgien en orthopédie infantile à l'hôpital Necker à Paris, dans le documentaire. « Ce sont des enfants qui naissent avec un déficit musculaire important, on parle d'enfants poupées de chiffon. » A l'époque, les soins orthopédiques et respiratoires se résument bien souvent à la pose « d'appareils de correction ». On tort les enfants pour les enduire de plâtre afin de mouler un corset. L'acte est vécu comme une « torture », se rappelle Marie-Antoinette Vicaire. « Il fallait qu'on soit droit pour être comme les autres. C'était plus de la normalisation qu'un réel besoin physiologique. »

La torture du corset

Mis au point dans les années 1960 à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches, le corset dit « garchois » vise alors à ralentir l'évolution de la scoliose et favoriser la position assise. Les enfants n'ont pas le droit de se plaindre. On leur répète que « c'est normal que ça fasse mal ». Les parents apparaissent, quant à eux, démunis, à l'image de ceux de Rémi. Ils n'ont alors aucune référence médicale sur laquelle ils pourraient s'appuyer pour se rassurer : « Vous êtes la première génération où les soins orthopédiques ont fait que vous viviez. Un développement intellectuel normal avec une paralysie quasi complète, ça n'existait pas. On ne nous donnait aucun jeune adulte en exemple », expliquent Irène Cerquetti et Michel Gendarme à leur fils. « Des fois, on était excédé », résume une autre mère. 

Un film qui se vit

Avec ce troisième long-métrage produit par The Kingdom Productions et primé au festival Jean Rouch en 2020, Rémi Gendarme-Cerquetti nous emmène dans son histoire. Le film ne se voit pas, il se vit. Le réalisateur va jusqu'à recréer chez son public ses frissons d'angoisse. Pour ce faire, il laisse apparaître un violoncelliste sorti de nulle part, jouant quelques notes aigues et stridentes. Effet thriller garanti ! L'ensemble se compose au final d'un bel équilibre entre scènes du passé et voyage dans le présent avec les témoignages des enfants de Garches devenus grands.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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