Handicap : Film "Mon inséparable", le lien mère-fils éprouvé

C'est la sortie de Noël ! Le film "Mon inséparable", en salles le 25 décembre 2024, explore sans tabou le rapport à la parentalité et à l'amour avec un handicap. Entretien vidéo exclusif avec sa réalisatrice, Anne-Sophie Bailly.

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Mona (interprété par Laure Calamy) vit avec son fils trentenaire, Joël, qui est « en retard ». Il travaille dans un ESAT (établissement et service d'accompagnement par le travail) et aime passionnément sa collègue Océane, elle aussi en situation de handicap. Alors que Mona ignore tout de cette relation, elle apprend qu'ils attendent un enfant. Cet évènement inattendu aura-t-il raison de la relation fusionnelle entre mère et fils ? Réponse dans Mon inséparable, un film cash qui entend briser les tabous en 1h34, produit par Les films du losange, en salles le 25 décembre 2024. Entretien avec sa réalisatrice, Anne-Sophie Bailly...

Question : Votre film est avant tout l'histoire d'une émancipation double, il traite davantage de la relation mère/fils que du seul handicap... 
Anne-Sophie Bailly : Le handicap crée une loupe pour parler de la complexité des relations parents/enfants. La vulnérabilité d'un enfant en situation de handicap radicalise les craintes de son ou ses parents, elle rend le détachement plus difficile à opérer, elle crée du ressentiment, de la culpabilité des deux côtés, des ressorts de fiction puissants, qui existent à plus ou moins grande échelle dans toutes les relations familiales. Un personnage en situation de handicap n'implique pas que le sujet soit nécessairement le handicap ; et c'est donner une vraie place, artistiquement, à des protagonistes « différents » que de les mettre au cœur d'histoires qui les mettent en mouvement au-delà de la maladie, d'un ralentissement ou d'un empêchement. 

Q : Vous vous êtes beaucoup documentée avant d'écrire ? 
ASB : Oui, j'avais besoin de m'appuyer sur des choses vraies, des gens réels. J'ai passé du temps à l'ESAT de Ménilmontant pendant que j'écrivais. La réalité est tellement plus forte que tout ce qu'on peut imaginer... 

Q : Pourquoi aviez-vous envie de filmer de tels personnages ? 
ASB : Parce que ce sont des visages qu'on voit et filme peu, des corps qu'on montre très peu -même si quelques exemples récents et plus anciens ont fait ou vont faire date, on ne peut pas dire qu'on dispose encore d'une représentation diverse et nuancée ! Les handicaps de mes personnages sont peu visibles, ce qui rajoute à leur mystère : c'est par un trouble de l'élocution, une démarche, un regard qu'on le devine. C'était pour moi un plaisir incroyable de les filmer. C'est une matière cinématographique inédite et magnifique: là où il y a de l'invisible, il y a du cinéma. 

Q : Comment vivent ces jeunes parents en situation de handicap ?
ASB : En travaillant sur le sujet, j'ai appris qu'il y a environ 10 % (entre 6 et 13 % en fonction de la définition sur laquelle on s'appuie) de personnes handicapées dans la population française, ce qui est énorme. Parmi ceux qui évoluent en institutions, qui ont un besoin d'accompagnement conséquent, ceux qui fondent une famille sont comme des oiseaux sur la branche. En général, ils vivent juste en face des parents, dans un appartement qu'ils louent comme n'importe qui. De toutes façons, les foyers n'accueillent pas de famille. Il commence à y avoir des appartements de transition où ils peuvent s'installer avec des éducateurs à proximité, mais la question de la famille n'est pas pensée parce qu'on est sur un tabou eugéniste. Or ce sont des questions qu'il faut se poser. Et se pose aussi la question des droits de l'enfant à venir. C'est ce que le film interroge : qui a le droit sur qui, et qu'est-ce qu'on transmet génétiquement, mais pas que. 

Q : Le choix de Laure Calamy s'est imposé à vous ? 
ASB : Pas en écrivant, mais très tôt. C'est une comédienne que j'ai beaucoup vue au théâtre et c'est aussi une grande tragédienne. Elle a une puissance émotionnelle intense, une capacité à se mettre dans des crises comme Gena Rowland pouvait le faire chez Cassavetes. Laure est capable d'aller très loin dans un sens comme dans l'autre. Elle a apporté de la vitalité à Mona. Avec elle, j'étais sûre de ne pas tomber dans le misérabilisme. Elle était un garde-fou ! Il fallait aussi qu'on comprenne cette mère, surtout quand elle laisse tomber, quand elle décide de penser à elle... 

Q : Océane et Joël sont joués par de jeunes acteurs, Charles Peccia Galletto et Julie Froger, eux-mêmes en situation de handicap... Comment s'est fait le casting ? Ont-ils pris du plaisir à être filmés ? 
ASB : Pour trouver Océane et Joël, j'ai vu beaucoup de monde, à la fois des comédiens professionnels en situation de handicap et des travailleurs en ESAT, via plusieurs ateliers d'improvisation menés dans les institutions. C'était souvent très joyeux, ça a même donné des idées à certains éducateurs. On a vu des centaines de personnes, et la recherche a duré plusieurs mois ; je voulais revoir les gens, travailler sur leurs natures, puis aller vers des situations, et parfois du texte. Ensuite, j'ai travaillé par paires. On a d'abord dessiné le couple mère/fils puis le couple Joël/ Océane. 

Charles est acteur et il aime profondément jouer, avec sa façon de parler et de voir le monde qui lui est propre, mais il participe à la fiction, de façon très active. Julie n'est pas actrice mais elle a aimé cette expérience, elle était très surprenante pendant le tournage, elle possède une puissance alliée à sa vulnérabilité qui la rend impressionnante. Et elle a un rapport politique au film : cette possibilité d'être en couple, d'être autonome, c'est quelque chose qu'elle défend. Questionner cela avec elle était donc une grande chance. 

Découvrez d'autres révélations dans notre interview vidéo exclusive d'Anne-Sophie Bailly !

Joël embrasse sa mère Mona sur la joue dans une piscine.
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