« Rencontre, cet après-midi, des représentants de l'Association des paralysés de France afin d'appréhender au mieux les problématiques handicap lorsque nous serons élus ». Cette légende, pleine d'assurance, accompagne une photo postée le 22 octobre 2015 sur le compte Facebook de Wallerand de Saint-Just, trésorier du Front national et candidat aux Régionales. A ses côtés, l'homme au catogan n'est autre que Pierre Sachet, représentant du conseil départemental APF 75. Ce post n'a pas manqué de faire grincer quelques dents…
Régionales, la course aux partis
L'échéance législative arrive à grands pas : le premier tour des régionales le 6 décembre 2015. Branle-le-bas le combat. Les associations ont encore quelques semaines pour faire entendre leur voix ou questionner les candidats sur leur politique handicap. C'est parfois par le biais d'un questionnaire envoyé à tous les partis comme lors des élections municipales en 2014 ou de rencontres en face à face. Dans ces circonstances, le FN est, après tout, que l'on s'en réjouisse ou non, une formation politique « comme les autres » qui rassemble « quelques » suffrages dans un pays démocratique. Y-a-t-il donc lieu de s'indigner d'une telle démarche ?
Un rapprochement sujet à controverse
Certains le pensent ! Ce parti d'extrême droite ne semble pas s'être encore débarrassé de ses vieux démons et toute tentative d'approche avec le FN reste un sujet extrêmement sensible, entaché de suspicion, de controverse, parfois d'indignation. A commencer par celle de Jean-Luc-Duval, président du Collectif citoyen handicap. « Si mes souvenirs sont bons le FN c'est ça, en autres (NDRL : propos tenus par Jean-Marie le Pen) : « On aide trop les handicapés. En privilégiant, en favorisant par trop les faibles dans tous les domaines, on affaiblit le corps social en général. On fait exactement l'inverse de ce que font les éleveurs de chiens et de chevaux. Je ne suis pas hostile à ce que l'on soulage les malheurs, par exemple les handicapés, mais on aboutit maintenant presque à une promotion du handicapé. » Autre temps, vraiment ?
Des militants indignés
Des militants de l'APF s'insurgent à leur tour. L'un d'eux explique : « La grande majorité des adhérents et bénévoles APF en Ile-de-France sont choqués de ne pas avoir été consultés et nombre d'entre eux demandent la démission de ce représentant parisien qui n'a représenté que lui-même. Le FN doit se réjouir d'avoir réussi ce « coup politique ». » Interrogée par Handicap.fr, l'APF a donné la réponse suivante : « L'APF s'est engagée pour interpeller les candidats aux élections régionales avec une approche apolitique. Dans cette continuité, l'association n'a pas donné de consignes nationales particulières par rapport au FN du fait de son approche apolitique (adhésion des membres de l'association qui sont adhérents à tous les partis politiques). En revanche, interpeller les candidats des partis politiques ne veut pas dire "cautionner" les candidats. L'APF est avant tout attentive au vivre ensemble. »
« APF-FN : Les liaisons dangereuses »
En d'autres termes, il s'agirait donc d'une initiative personnelle de monsieur Sachet qui n'engagerait l'association ni sur le plan local, ni sur le plan national. « Sauf que… », commente Elisa Rojas, « il ne s'agit pas d'un simple membre, mais bien d'un représentant (de la délégation de Paris), présenté comme tel sur la photo ». Le titre du post de cette avocate en situation de handicap, l'une des chevilles ouvrières du collectif Non au report de 2015, est sans équivoque « APF-FN : Les liaisons dangereuses ». Et de déplorer le fait que « sur le plan national, l'APF avait déjà accepté en 2012 la signature du FN, en la personne de sa présidente même, sur son pacte ». Elle s'interroge sur le fait que, « à en croire la réponse de l'APF, les représentants de l'APF ne représentent pas l'APF ? Ils font exactement ce qu'ils veulent, quand ils veulent et ne suivent aucune ligne directrice. C'est euh… comment dire ? Etrange, pour ne pas dire inquiétant. L'APF se déclare indépendante politiquement mais ses représentants peuvent aller serrez la paluche à des membres du FN, qui sont devenus à ses yeux des politiques d'un "bord", comme un autre. »
10 % de l'électorat ?
« Donc pour être clair, questionne à son tour Walter Salens, ancien militant APF et directeur d'une EA, la seule question que l'on doit se poser, c'est cette rencontre est-elle orchestrée par l'association en question ou à l'initiative d'une personne ? ». « Et quand bien même ? » rétorque Frédéric Bouscarle, président de Handi pop' et élu Les Républicains du 10ème à Paris, que le FN a tenté de débaucher en septembre 2015 (article en lien ci-dessous) « je ne suis pas étonné de cette démarche ; il me parait normal que les associations défendent leurs intérêts auprès de tous les partis. Mais là où je lance une alerte, c'est sur le côté opportuniste de la situation. Le FN ne s'est jamais intéressé au handicap mais il a aujourd'hui bien compris qu'avec environ 10 % de la population en situation de handicap, c'était un électorat qu'il valait mieux ne plus négliger».