Handicap : 27 pays, mêmes défis, l'Europe s'en mêle!

A un an des élections européennes, le Forum européen des personnes handicapées prépare le terrain, avec l'organisation de son 5e parlement dédié, le 23 mai 2023. Problématiques anciennes et défis émergents au menu de ces discussions... animées.

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C'est en se rendant au 5e Parlement européen des personnes handicapées, le 23 mai 2023, que Carolyn Akintola a vécu sa pire expérience dans les transports. Quelle ironie du sort… Elle a donc décidé, à la dernière minute, de prendre la parole dans l'hémicycle pour raconter sa mésaventure. La veille, l'Irlandaise doit s'envoler pour Bruxelles. En salle d'embarquement à Dublin, l'attente. Pour justifier ce retard, le steward pointe du doigt, devant la foule agglutinée, son fauteuil roulant. Il n'est « pas dimensionné » pour cet avion, semble-t-il. Alors que la honte envahit Carolyn, qui se fait prêter un fauteuil de remplacement pour le voyage, les péripéties ne font que commencer. A l'arrivée, dans la capitale belge, elle attend seule durant deux heures pour bénéficier d'une assistance humaine. Pas un mot ni un geste de bienveillance à son égard. « Aucune compassion dans cette ville qui se targue d'être à l'avant-garde de l'accessibilité ? », hausse-t-elle le ton sous les applaudissements de l'assemblée et le regard gêné des députés européens. Face à elle, Karine Lalieux, ministre belge chargée des Personnes handicapées, accepte la critique sans broncher : « Ce n'est pas à la personne handicapée de s'adapter à la société mais l'inverse. Je resterai à vos côtés pour continuer le travail », promet-elle.

Un hémicycle plein à craquer

Du travail, il y en a pour déployer une politique d'accessibilité universelle à travers les vingt-sept pays de l'Union européenne (UE). Cinq ans après le dernier Parlement européen des personnes handicapées, 700 défenseurs sont réunis à Bruxelles pour demander un « avenir inclusif dans l'UE ». La salle est pleine à craquer, contrairement à la dernière réunion, très clairsemée (Lire : Parlement européen : faire bouger la question du handicap !). De quoi surprendre Dragoș Pîslaru, président de la Commission de l'emploi et des affaires sociales au Parlement, qui s'exprime au perchoir, ravi de cette rencontre « à guichet fermé ». Au sein de la délégation française menée par le Conseil français des personnes handicapées pour les affaires européennes et internationales (CFHE), on note la présence du Collectif handicaps mais aussi  de l'Unapei (association de personnes en situation de handicap intellectuel) et de « Nous aussi ».

Un an avant les élections européennes

Un an avant les élections européennes, qui se tiendront du 6 au 9 juin 2024, cette 5e édition est une journée cruciale, un tournant, confirmé par l'assiduité des participants, la ferveur des témoignages et une bienveillance collective réellement palpable. Des voix en anglais, italien, espagnol, portugais, polonais s'élèvent pour dénoncer les manquements en matière d'inclusion dans leur pays respectif. Participation à la vie politique, libre circulation en Europe, accessibilité numérique, des transports, du bâti, accès à l'emploi, aux soins… Les principales revendications restent pourtant, peu ou prou, les mêmes qu'il y a cinq ans, preuve d'un certain immobilisme et d'une continuité de problèmes à travers l'Europe. A part quelques bonnes pratiques ici ou là, aucun pays ne semble faire exception. Le slogan se fait entendre plus d'une vingtaine de fois : « Rien pour nous, sans nous ». Il en dit long sur la volonté d'autonomisation des personnes handicapées, notamment en matière de droits civiques.

Des défis émergents

Derrière ces thématiques battues et rebattues, et pourtant toujours d'actualité, des défis liés au contexte de crise actuel émergent (Lire : Minorités, handicap : l'impact "considérable" de la pandémie). « La dernière fois que nous nous sommes retrouvés ici en 2017, nul ne pouvait imaginer que le monde pourrait à ce point changer », explique Yannis Vardakastanis, président du Forum européen des personnes handicapées, organisateur de l'évènement. L'Europe a connu le Brexit, une pandémie, une guerre et l'aggravation de la crise climatique. Ajouté à cela une inflation galopante qui aggrave, notamment, la paupérisation des personnes en situation de handicap. Nouveaux objectifs : trouver des réponses à ces situations de crise dans lesquelles ce public est le plus à risque, avec des « plans dédiés », selon Janez Lenarčič, commissaire européen à l'aide humanitaire et à la réaction aux crises.

En Ukraine, le sort des personnes handicapées

Un focus spécifique a été fait sur la guerre en Ukraine, où « le pourcentage de la population en situation de handicap n'a cessé d'augmenter depuis l'agression russe », selon Valery Sushkevych, président de l'Assemblée nationale des personnes handicapées d'Ukraine (NADP), qui déplore que « certains doivent choisir entre se soigner et manger ». Cette organisation qui regroupe une centaine d'associations a élaboré plusieurs propositions pour améliorer la législation nationale « car les autorités ukrainiennes négligent de consulter les ONG handicap ». Le NADP réclame, notamment, « le droit pour les personnes handicapées et leur famille de partir à l'étranger », « de meilleures prestations sociales », « la fourniture de dispositifs médicaux aux victimes », « la création d'abris », « la reconstruction d'un bâti dans le respect de l'accessibilité universelle » et, surtout, « l'inclusion de ces personnes dans les réponses humanitaires ».

Des politiques inadéquates pour les migrants handicapés »

Le témoignage d'une réfugiée syrienne, déficiente visuelle, Amany Challa, vient illustrer cette urgence mondiale. « J'appartiens à deux groupes minoritaires : réfugiée et aveugle. Les politiques sont inadéquates pour les migrants handicapés », clame-t-elle haut et fort dans un hémicycle silencieux. « Au moment d'adopter des politiques, posez-vous les bonnes questions », poursuit-elle. Elle est rejointe par Wolfgang, un citoyen handicapé allemand qui encourage à « créer des plans qui incluent les personnes handicapées dans la gestion et la prévention des catastrophes et des crises ».

Quid de la carte européenne du handicap ?

Après des applaudissements nourris, les 700 orateurs ont voté à l'unanimité en faveur du Manifeste du Forum européen des personnes handicapées. Ce texte, reprenant les principaux points évoqués durant la journée, servira de base pour les élections européennes de 2024. Reste à savoir s'il sera suivi d'effets. Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, s'est d'ores et déjà engagée à poursuivre la réflexion au sujet de la carte européenne du handicap (Lire : Une carte européenne du handicap dès 2023?). Après une expérimentation qui s'est avérée positive dans huit pays de l'Union, la pérennisation de ce dispositif sera abordée en commission en septembre 2023 avant de devenir « une directive dans les plus brefs délais », a assuré la présidente. Objectif : faciliter la libre circulation dans tous les Etats membres. « Mais la carte n'éliminera pas tous les obstacles, elle doit être accompagnée de politiques volontaristes », tempère Karine Lalieux, dont le pays, la Belgique, assurera la présidence du Conseil de l'Union européenne du 1er janvier au 30 juin 2024. De bon augure pour la suite ? « J'aurai en tout cas à cœur de porter ces sujets-là », a promis la ministre belge chargée des Personnes handicapées.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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