Handicap.fr : 430 000 élèves en situation de handicap sont aujourd'hui accueillis à l'école. Pourtant, les revendications des familles et associations sur le manque de places et de solutions n'ont jamais été si nombreuses...
Jacky Vagnoni, président de la fédération Paralysie cérébrale France : Cela ne veut pas dire que les parents sont satisfaits des conditions d'accueil et des réponses proposées par l'Education nationale.
Proposer quelques heures de scolarisation à un enfant est-elle une réponse satisfaisante ? Peut-on considérer que la société lui offre les conditions de son épanouissement ? Sûrement pas. Je crois qu'il y a par ailleurs une volonté farouche de la jeune génération de parents que leur enfant soit accueilli à l'école, l'école pour tous, l'école de la République. C'est une exigence qu'ils ont chevillé au corps. La loi le dit d'ailleurs : tout enfant en situation de handicap doit disposer d'un plein accès à l'école et aux savoirs, en fonction, bien entendu, de son rythme et de ses aptitudes. C'est un progrès sociétal évident et une condition de citoyenneté.
H.fr : A quelles difficultés spécifiques sont confrontés les élèves avec une paralysie cérébrale ?
JV : La paralysie cérébrale, qui résulte de lésions irréversibles survenues sur le cerveau du fœtus ou du nourrisson, est le premier handicap moteur de l'enfant. Il se caractérise par des troubles du mouvement ou de la posture, parfois accompagnés de difficultés cognitives ou sensorielles. Premier enjeu : l'accessibilité, sous toutes ses formes (des lieux et des classes, l'adaptation des mobiliers et des outils d'apprentissages). De nombreux enfants ont des troubles dys, de l'attention ou des difficultés à se repérer dans l'espace et une grande fatigabilité, ce qui implique une adaptation du temps scolaire, mais également de la restauration pour ceux qui ont des troubles de la déglutition. Certains ont également recours à des outils de communication alternative améliorée que l'enseignant et l'accompagnateur doivent maîtriser.
H.fr : Quels sont les retours des familles depuis la rentrée scolaire ?
JV : Chaque rentrée scolaire est l'occasion de constater ce qui ne va pas. Je ne veux pas être pour autant dans le tout négatif. Nous avons collectivement progressé. Il y a des établissements et des enseignants remarquables qui méritent d'être salués. Pour autant, les familles nous font remonter des difficultés bien connues sur lesquelles nous travaillons avec les pouvoirs publics : enseignants peu ou pas formés, accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) qui découvrent le handicap, mode d'accueil proposé en inadéquation avec les notifications, outils pédagogiques inadaptés, non-prise en compte de leur enfant dans les accueils périscolaires…
H.fr : Qu'attendez-vous de l'acte II de l'école inclusive ?
JV : Si l'Education nationale a relevé une partie du pari de l'accueil des enfants ayant des troubles plus légers à l'école élémentaire, il n'en est pas de même pour le collège et les jeunes avec des troubles multiples. La fédération Paralysie cérébrale France plaide, depuis plusieurs mois, pour un « changement de braquet » en passant d'objectifs de quantité à des objectifs de qualité. C'est tout l'enjeu de l'acte II de l'école inclusive : « L'école pour tous », qui doit permettre d'apporter des réponses aux familles et aux enfants qui relèvent des handicaps les plus complexes.
H.fr : D'autres revendications ?
JV : Il faut également rendre les dispositifs existants plus lisibles et compréhensibles par les familles : PPRE, PAI, PAP, PPS, RASED, SESSAD, ULIS, SEGPA, Unités d'enseignement externalisés et internalisés, PAS, PIAL, PCPE, EMAS, communautés 360, RAPT... Ce mille-feuille totalement illisible nuit à l'efficacité des réponses qui sont apportées sur le terrain. Il faut simplifier !
H.fr : Quelles solutions l'Etat doit-il mettre en place pour faciliter l'intégration de ces élèves à l'école ?
JV : Nous avons eu l'occasion de transmettre aux pouvoirs publics le détail de nos attentes : généralisation de toutes les formes d'accessibilité, individualisation des parcours, intégration des soins dans les établissements et le temps scolaires pour répondre aux attentes des familles et des enfants harassés par les temps de transport et les contraintes de gestion d'un emploi du temps qui démobilisent. Mais aussi déploiement d'un grand plan de formation à destination des équipes pédagogiques afin de mieux connaître les spécificités des handicaps, soutien aux établissements médico-éducatifs et enfin ouverture systématique des accueils périscolaires aux enfants en situation de handicap. Nous ajouterons également, après ces Jeux olympiques et paralympiques extraordinaires à Paris, un meilleur accès à la pratique sportive.
H.fr : L'amélioration de la communication entre le médico-social et l'Education nationale est-elle une piste ?
JV : Effectivement, ces deux secteurs d'expertise (transmission du savoir et accompagnement des handicaps) ne se parlent pas ou trop peu. Il était temps de mettre fin à cette logique en silo au bénéfice de parcours de scolarisation fluides dans une logique de personnalisation. L'intervention des équipes médico-sociales dans l'école est une nécessité, en y associant toutes les parties prenantes : le chef d'établissement, l'équipe d'enseignants, l'enfant, la famille et les services médico-sociaux. Tout cela doit naturellement s'accompagner d'un périmètre d'intervention clair et formalisé.
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Handicap complexe : pour un accueil sur-mesure à l'école!
Dépasser la politique du chiffre et privilégier un accueil de qualité, individualisé, à l'école! Telles sont les revendications de Paralysie cérébrale France, qui alerte sur les difficultés rencontrées par les élèves avec un handicap moteur complexe.
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"