Handicap : pro épuisés et familles à distance

"On lui parle par Skype. C'est mieux que rien mais on aimerait pouvoir l'embrasser." Entre familles à distance, professionnels "épuisés" et effectifs réduits... Le quotidien ébranlé des établissements médico-sociaux depuis le début du confinement.

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Par Arnaud Bouvier

"Elle communique seulement par le regard et les gestes, et ça on ne l'a plus." Comme Annie, dont la fille Elodie, polyhandicapée, est confinée dans un établissement spécialisé, des milliers de familles se désolent de ne plus pouvoir rendre visite à leurs proches. Et observent avec inquiétude la propagation du virus qui fait aussi des victimes parmi ce public fragile.

Conversations virtuelles

"La dernière fois que nous l'avons vue, avec mon mari, c'était pour le jour de ses 41 ans, le 22 février", raconte cette femme résidant à Metz, habituée à parcourir 200 km aller-retour pour aller chercher sa fille, un week-end sur deux environ. Depuis le début du confinement, "on lui parle par Skype. C'est mieux que rien mais on aimerait pouvoir l'embrasser. Quand elle nous voit en vidéo, elle essaie de nous toucher à travers l'écran, et comme elle n'y arrive pas elle se tourne vers la porte pour voir si nous allons entrer", poursuit Annie.

Résidents très vulnérables

Si la plupart des établissements assurant un accueil de jour pour les personnes handicapées ont fermé leurs portes depuis le début de la crise épidémique, ceux qui proposent un hébergement pérenne sont toujours ouverts. Car "pour la plupart de nos 30 résidents, leur lieu de vie, leur domicile, c'est ici", souligne Audrey Boudot, directrice de la maison d'accueil spécialisée (MAS) "La Clef des chants" de Rohrbach-les-Bitche (Moselle), où vit Elodie. Un domicile dont les responsables doivent redoubler de précautions pour éviter que le virus n'y pénètre, ce qui pourrait être d'autant plus grave que "certains résidents ont une santé très vulnérable", souligne Mme Boudot. Sa structure a dû faire face pour le moment à une suspicion -finalement non avérée- de contamination au Covid-19.

Des salariés épuisés ou absents

Dans l'ensemble de ses quelque 500 établissements et services à travers tout le pays, l'association APF France Handicap, qui gère la MAS de Rohrbach, déplore plus de 380 malades, dont 57 % de salariés, et 8 personnes handicapées décédées. Et la situation est d'autant plus délicate que "nous avons 20 % de personnel absent, et même 26 % en Ile-de-France", détaille Prosper Teboul, le directeur général de l'association. Les autorités sanitaires "nous fournissent désormais 15 masques par personne accueillie et par jour, contre 5 auparavant, mais ça reste insuffisant, alors on en a commandé 100 000 de notre côté", ajoute-t-il. A la Fondation Perce-Neige, environ 300 des 1 000 résidents habituels des 35 établissements ont quitté leur structure d'accueil pour se confiner au domicile de leurs parents ou de proches. Et sur les 700 qui sont restés, 18 sont atteints par le virus, déplore Christophe Lasserre-Ventura, le président de la fondation. "Nous nous battons pour confiner les établissements, mais nos moyens sont de plus en plus réduits", s'alarme-t-il. Avec 260 arrêts de travail, soit "25 % des effectifs en moins", "nos équipes s'épuisent". "J'ai des salariés extraordinaires, qui travaillent dans des conditions infernales. Mais ils ne sont pas non plus surhumains", s'inquiète M. Lasserre-Ventura, dont la fondation a fait un appel à la "réserve sanitaire" et à des dons de masques

Préserver les aidants

A l'Unapei, qui gère 3 000 structures pour personnes atteintes d'un handicap mental, la situation est également "tendue", confie son président Luc Gateau. Et ce alors même qu'un certain nombre de familles, qui vivent avec leur proche handicapé à la maison, vont avoir prochainement besoin d'un "répit". "Il faut pouvoir préserver les aidants, leur apporter cette sécurité, les relayer si nécessaire". Or, actuellement, "nous avons 30 % de professionnels en arrêt. Si ce chiffre devait augmenter, ce serait préoccupant", juge ce responsable associatif qui plaide pour que les personnes handicapées puissent être soignées "comme n'importe quelle personne". "Ce sont des gens qui se sont battus toute leur vie pour être en vie. Ils ont besoin de considération et de cet appui, pour continuer à vivre comme chacun d'entre nous".

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