« C'est moi qui appelais le Samu quand ma mère faisait des tentatives de suicide. Je partais à l'école avec ses médicaments dans mon sac à dos. » Mathieu a eu une enfance loin des bacs à sable et proche des hôpitaux psychiatriques. Fils d'une mère bipolaire, il fut un enfant aidant. Comme lui, 70 % des personnes interrogées dans le cadre du baromètre Unafam* 2022, publié à l'occasion de la Journée national des aidants, le 6 octobre 2022, déclarent apporter une aide fréquente à leur proche. Suivi du parcours de soin, échanges avec les médecins, gestions administratives, tâches du quotidien ... C'est un deuxième métier à plein temps qui incombe parfois à l'entourage de la personne malade. Or 28 % d'entre eux reconnaissent que la prise en charge de leur proche s'est aggravée cette année. Effet collatéral de la pandémie ou de la crise de l'hôpital ? Difficile de le savoir, selon Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam qui appelle à « reconnaître les aidants et à alléger leur ressenti afin qu'ils puissent prendre leur juste place ». En effet, 60 % des répondants aimeraient pouvoir bénéficier d'un relai quotidien de la part d'un professionnel pour s'offrir un peu du repos et de répit.
Combler les défaillances du système
Les aidants viennent « compenser les défaillances du système » d'après l'Unafam. Il y a d'abord l'errance diagnostique face aux premiers symptômes, qui, pour la quasi majorité des personnes interrogées, aura duré deux ans ou plus. « Cette période maintient l'ensemble de la famille dans le doute », avance l'association. Et c'est sans compter les crises et les situations d'urgence qu'il faut gérer et dont la responsabilité repose entièrement sur les épaules des aidants. « C'est affreux de devoir signer des soins sans consentement. Nos enfants nous le reprochent », affirme Isabelle, mère d'une fille atteinte de troubles psychiques. Ils sont 63 %, comme Isabelle, à avoir été contraints de signer ce type d'hospitalisation. Une situation non choisie qui aurait pu être évitée s'il n'y avait pas eu des défauts de soin et des ruptures de parcours. Les parents, fratries et autres personnes accompagnantes se retrouvent alors en première ligne.
Le poids de la stigmatisation
Nombreux sont également les proches qui avouent être insuffisamment informés ; la preuve, 35 % des sondés révèlent que leur proche ne bénéficie pas encore de l'AAH (allocation adulte handicapé). Ce baromètre met également en lumière le manque criant de moyens d'accompagnement, à commencer par le logement. Un tiers des répondants vit avec son proche malade, « conséquence directe de l'absence d'offre de logements adaptés », précise l'Unafam. « Ma fille ne coche pas les cases, donc aucune agence immobilière ne l'accepte », témoigne Julie, une mère de famille. Autre obstacle : la stigmatisation. Pour beaucoup, il reste difficile d'aborder la maladie psychique en société ; seuls 44 % déclarent pouvoir l'évoquer facilement. « Ce tabou les empêche de demander de l'aide et les condamne trop souvent à souffrir en silence et à s'isoler », alerte l'Unafam.
Risque de burn-out
Pour la quasi-totalité des répondants, la maladie du proche a entraîné une « véritable rupture dans le déroulement de leur vie », sur le plan financier, professionnel, personnel et sentimental. Aucun chiffre ne traduit dans ce baromètre les conséquences sur leur propre santé mentale. Une chose est sûre, familles et amis sont particulièrement exposés au « burn-out de l'aidant », qui se caractérise notamment par une fatigue chronique, un sommeil perturbé, une instabilité émotionnelle et des signes de dépression. Pour éviter ce point de non-retour, l'Unafam réclame la mise en œuvre « d'un véritable plan santé mentale et psychiatrie, doté de moyens financiers avec une vision intégrée prenant en compte la prévention et la santé mentale, les maladies et le handicap psychique, la déstigmatisation et la recherche ». Dans tous ces chantiers, « l'entourage a sa place », conclut Marie-Jeanne Richard.
* Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM)