Par Charlotte Hill
En cette journée de novembre, Ayse Yesil, 48 ans, est venue pour un rendez-vous avec son conseiller. Atteinte de fibromyalgie, cette femme originaire de Turquie a été licenciée pour inaptitude début 2022, perdant l'emploi dans le transport scolaire qu'elle occupait depuis 7 ans. "A cause de ma maladie, je ne pouvais pas rester en position statique", explique-t-elle, décrivant des poussées de fièvre, douleurs ou fatigue. Actuellement en stage dans une chocolaterie, cette femme souriante et avenante "ne peut pas travailler toute la journée", ni porter des charges lourdes, et vise un emploi à mi-temps.
"On est dans l'humain, on accompagne", explique son conseiller Romain Noël qui, au sein du Pôle emploi de Cergy (Val-d'Oise), a choisi de s'occuper majoritairement des demandeurs d'emploi en situation de handicap. Parmi les 15 000 demandeurs d'emploi inscrits dans cette agence (en catégorie A, B et C), 5,6 %, soit 847, sont bénéficiaires de l'obligation d'emploi de travailleur handicapé, explique sa directrice, Sabrina Barreiro. Ce sont des demandeurs d'emploi majoritairement de longue durée (54,4 %), de niveau infra-bac (60 %) et, pour une bonne part, seniors (49,6 %).
Rapprochement Pôle emploi-Cap emploi
Pour mieux les accompagner, depuis janvier 2020, l'agence a expérimenté un rapprochement avec Cap emploi (organismes spécialisés dans l'emploi des personnes en situation de handicap), avec un lieu d'accueil unique. L'idée, déployée au niveau national à l'automne 2021, était de "fluidifier" les démarches sachant qu'en France, le taux de chômage des personnes handicapées est de 14 % (contre 7,4 % pour la population globale). Face à des parcours souvent "en dents de scie", il faut procéder "étape par étape", notamment pour que ces personnes reprennent confiance, ou "travailler sur l'acceptation du handicap", un "deuil" qui peut prendre "des années", indique Romain Noël. Pour ceux qu'il suit, "c'est peut-être plus long pour retourner à l'emploi", car il y a plusieurs "freins" dont le handicap (mobilité, chômage longue durée...), explique le conseiller.
Le travail, "meilleure thérapie"
Accompagné par Cap emploi et Pôle emploi, Mohamed Traoré a trouvé un poste en alternance dans une entreprise adaptée (structure ayant la spécificité d'employer au moins 55 % de travailleurs handicapés) dans la propreté. "Moi, dans ma tête, je ne suis pas malade", dit ce grand gaillard volontaire qui rêve de devenir agent de sécurité. Mais cet Ivoirien de 45 ans doit travailler à temps partiel car il souffre d'insuffisance rénale. Il est sous dialyse trois fois par semaine et en attente de greffe. "On sait qu'il est pris trois fois par semaine. Le lendemain des dialyses, il est fatigué, il faut récupérer", donc il faut un emploi du temps adapté, explique Carole Leheu, au nom de l'entreprise Equipage qui l'emploie. Elle fait état d'une "étroite collaboration" en amont avec Cap emploi et Pôle emploi et note que pour la majorité, "la meilleure des thérapies, c'est le travail". "Ce qui me plaît, c'est qu'on prend soin de moi" car "la maladie m'a tellement fatigué que j'avais perdu un peu la confiance", confirme Mohamed.
+ 27 % de retours à l'emploi
Auprès des entreprises, les conseillers Cap emploi et Pôle emploi œuvrent aussi pour lutter contre les "préjugés" comme "l'image classique du fauteuil roulant alors que 80 % des handicaps ne sont pas visibles", rapporte Majid Ammour, conseiller Cap emploi. Il s'agit aussi de "vendre" les compétences des candidats qui ont en général une "plus grosse motivation et vont tout donner". Résultat, la directrice adjointe du Cap emploi 95, Sophie Porte, relève que sur le bassin d'emploi de Cergy, en septembre 2022 le nombre de retours à l'emploi des demandeurs d'emploi en situation de handicap a progressé de 27 % par rapport à 2021, un effet de la conjoncture, mais aussi, veut-elle croire, du rapprochement entre les deux structures. Le chômage longue durée pour ces publics a diminué de 10 %.