Que feront-ils de leur enfant à la rentrée 2015 ? Et à celle de 2016 ? Cette question taraude une dizaine de parents de Seine-Saint-Denis. Ces jeunes sont, pour le moment, accueillis au sein de l'EMP (Externat médico pédagogique) Henri Wallon de Stains (93) mais, faute de places dans le département, ni ailleurs, aucune perspective d'orientation n'est envisagée vers un IMPro (Institut médico professionnel). Ce type de structure accueille des jeunes en situation de handicap mental à partir de 14 ans et jusqu'à 20 ans pour leur proposer un enseignement professionnel. Mais les places étant « de plus en plus chères » dans les ESAT (établissements et services d'aides par le travail) qui sont en mesure d'accueillir ces travailleurs à l'issue de leur formation, ou dans les foyers occupationnels, la grande majorité des IMPro sont engorgés par le maintien de résidents de plus de 20 ans, selon le principe de l'amendement Creton. Un embouteillage qui compromet l'accès des plus jeunes postulants. Les listes d'attente s'allongent, parfois sur plusieurs années.
La maison ou la Belgique ?
« C'est désespérant, confie Ouarda Loxa, la maman de Méline, âgée de 16 ans, elle-même maintenue dans son EMP depuis deux ans. Ma fille a fait de réels progrès dans cette infrastructure où l'on valorise ses capacités avec des prises en charge adaptées. » Une « chance », selon elle. « Je suis convaincue qu'elle peut aller plus loin encore… Et tout devrait s'arrêter là ? La menace est réelle, pour certains jeunes (et leur famille), d'un retour au domicile ! Et pour des parents aussi qui devront arrêter de travailler pour s'occuper de leur enfant. ». Cette situation dure depuis des années déjà mais 2015 est, semble-t-il, celle du ras-le-bol. « Auparavant, poursuit cette maman, certaines orientations étaient plus longues, plus difficiles, demandaient davantage de coordination, de travail et de rencontres entre établissements mais finissaient toujours par aboutir. Mais, ces derniers temps, malgré la notification de la CDAPH, nous essuyons refus sur refus. On nous renvoie vers des établissements à Paris qui disent donner la priorité aux Parisiens. » Il y a bien quelques solutions alternatives. Par exemple, la… Belgique ! « Eh oui, encore la Belgique, s'indigne-t-elle, excédée ! ». Toujours les mêmes rengaines, toujours les mêmes impasses.
Plus rien à perdre
Une cinquantaine de parents réunis sous le même joug ont donc décidé d'unir leurs forces, soutenus dans leur démarche par le conseil d'administration de l'association Leila (association gestionnaire de l'IME) ; le collectif Leila voit le jour fin 2014, au lendemain du Noël de l'EMP. Déterminés, ils multiplient les actions auprès des pouvoirs publics pour revendiquer l'élargissement de l'offre de places en milieu médico-social et comptent bien se faire entendre, de préférence en haut lieu. Un courrier a donc été adressé le 23 mars 2015 au président de la République. A ce jour, sans réponse. Pas plus de chance du côté du Défenseur des droits ou de l'ARS (Agence régionale de santé). Le collectif fait alors appel à l'ex-ministre Marie-Georges Buffet, députée de Seine-Saint-Denis, qui se fend également d'une lettre à l'Elysée, sans plus de succès. En parallèle, le collectif décide de lancer une pétition (lien ci-dessous) ; en ligne et en version papier depuis deux mois, elle a rassemblé 3 600 signatures à ce jour.
Un rendez-vous est prévu le 25 juin 2015 avec la vice-présidente du Conseil général du 93 en charge des personnes handicapées. « Aujourd'hui, explique Ouarda, nous avons le sentiment que les parents osent prendre la parole, plus libres de parler de leur situation qu'avant. De toute façon, nous n'avons plus rien à perdre. ». 13 000 enfants handicapés seraient sans solution éducative en France.