Inclusion : "La France doit prendre le contrepied des USA"

Plus que jamais, la France doit envisager l'inclusion comme un projet collectif majeur. Face à des modèles régressifs, comme aux USA, Hamou Bouakkaz, militant associatif aveugle, appelle dans une tribune à réaffirmer notre capacité à vivre ensemble.

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Portrait de Hamou Bouakkaz avec son chien guide.

Par Hamou Bouakkaz, ingénieur, élu, enseignant, conférencier, auteur et dirigeant associatif, non-voyant

Quand l'inclusion devient un outil de division, il est temps de repenser le projet. Aux États-Unis, la politique de diversité promue sous l'ère Trump a pris un virage idéologique inquiétant. Sous couvert de défendre une vision « méritocratique », l'administration républicaine a méthodiquement démantelé les dispositifs de promotion de la diversité, qualifiés de « discriminations inversées ». Programmes fédéraux de formation à l'inclusion supprimés, interdictions d'aborder les questions de race et de genre dans les agences publiques : la diversité est devenue une cible, une menace à éliminer.

Des multinationales sous influence

Pour ne pas perdre de business et déplaire à Mr Trump, les entreprises ont choisi de se conformer au nouveau ton ambiant. Disney, Coca-Cola, ou encore McDonald's ont vu leurs politiques internes réévaluées à la lumière de nouvelles pressions juridiques et médiatiques. Des chartes internes ont été réécrites, des programmes suspendus, des engagements vidés de leur substance. La peur du backlash (retour du bâton, ndlr) conservateur, amplifiée par des menaces de procès et une guerre culturelle sans précédent, a fait reculer même les multinationales les plus engagées.

La force singulière de l'universalisme français

Faut-il alors céder à ce modèle ? Non, mille fois non. La France, à rebours, peut et doit proposer un autre chemin. Depuis la Révolution française, notre République s'est construite sur un socle universaliste : ce n'est pas parce qu'on a moins, qu'on est moins. Chaque individu est un citoyen avant d'être membre d'une communauté. Ce modèle, souvent critiqué à l'heure des revendications identitaires, garde plus que jamais une force singulière. Il invite à penser l'égalité non par la segmentation des appartenances, mais par la promesse d'un accès commun aux droits, aux devoirs, à la dignité, et à la reconnaissance.

Prendre le modèle américain à contrepied

L'universalisme français ne nie pas les différences : il les dépasse, pour construire un cadre commun. Il est temps d'en faire un levier d'inclusion, et non un prétexte d'indifférence. Ce modèle doit évoluer, non pour imiter celui des États-Unis, mais pour le prendre à contrepied, redevenir fidèle à sa promesse révolutionnaire : celle d'un monde où « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », quelle que soit leur origine, leur couleur, leur genre, leur foi ou leur situation de handicap.

Amplifier la politique de diversité dans les entreprises

Les entreprises françaises ont un rôle majeur à jouer. À elles de s'engager, non pas en copiant des modèles anglo-saxons, mais en créant ou en amplifiant une politique de diversité à la française : fondée sur la mixité sociale, l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations systémiques. À l'opinion publique, au peuple français de faire de ce chantier un projet collectif, un horizon partagé pour les dix prochaines années.

Comment devenir un « pays modèle » ?

La France doit devenir un pays refuge, un pays laboratoire, un pays modèle. Voici trois propositions concrètes pour y parvenir :
- Instaurer un indicateur national de diversité et d'inclusion, mesurable et opposable, qui s'appuie sur des données anonymisées et vérifiables, intégrant la mobilité sociale, la diversité des origines, des genres et des parcours dans les entreprises.
- Lancer un programme européen de protection des talents menacés, pour accueillir chercheurs, artistes, militants entravés dans leur pays pour ce qu'ils sont.
- Rendre obligatoire un bilan diversité dans les grandes entreprises, assorti d'indicateurs clairs et publics sur la représentation et l'égalité des parcours.

L'inclusion, une « aubaine économique »

Dans un contexte de fortes tensions budgétaires, l'inclusion peut devenir une véritable aubaine économique. Construire une société inclusive, c'est aussi prévenir les coûts de la réparation : discriminations, précarité, relégation, violences. Moins d'exclusion, c'est moins de dépenses sociales, moins de tensions sociales, et plus d'efficacité collective. Plutôt que multiplier les politiques spécifiques et coûteuses, une approche inclusive dès la conception permet d'investir mieux et plus juste.

« Faire de la France un pays d'opportunités »

Dans un monde où certains préfèrent ériger des murs, rappelons-nous que la République française est née d'un espoir universel. C'est à nous de faire de la France non pas seulement un pays d'égalité, mais un pays d'opportunités pour toutes et tous. Un pays où l'on a les mêmes chances, non pas malgré ce que l'on est, mais grâce à ce que l'on est. Comme le disait Victor Hugo : « L'égalité, ce n'est pas l'identité. C'est la reconnaissance dans la différence. » Et si, plus que jamais, la France devenait le moteur d'un nouveau pacte démocratique et inclusif ?

© Hamou Bouakkaz

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