Tribune pour une meilleure acceptabilité sociale du handicap

"Le handicap ne concerne pas que le voisin", interpelle Guillaume Baugin, vice-président de l'APHPP. Il publie un plaidoyer en faveur de l'acceptabilité sociale du handicap par tous, exhortant à la bienveillance pour bâtir une société harmonieuse.

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Deux mains s'apprêtent à se toucher.

Guillaume Baugin, vice-président de l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées (APHPP) et de l'Association de réadaptation et de défense des devenus sourds et malentendants d'Île-de-France (ARDDS IDF)

La loi de 2005 a fixé comme objectif de rendre accessible aux personnes en situation de handicap tous les secteurs de notre vie en commun. Cet objectif, au demeurant fort louable, n'est à ce jour, c'est-à-dire 20 ans après, toujours pas atteint. La question que l'on peut se poser face à cette situation est de savoir si l'on s'y est bien pris...

Entre avancées et attentes

Autrement dit, n'a-t-on pas mis la charrue avant les bœufs ? La réponse mérite d'être nuancée car elle est un peu normande... Oui on s'y est bien pris, car nous avons des avancées notables qui n'auraient pas pu être mises en place autrement, et non parce que les attentes sont encore fortes. La société et notamment ceux qui sont chargés d'appliquer la loi ont souvent traîné les pieds.

900 000 ERP toujours pas accessibles

Comme partout ailleurs la loi s'impose, et, si nul n'est censé l'ignorer, peu la connaissent, et ceux qui la connaissent s'organisent parfois pour la contourner, quand elle les dérange. En 2005, 1 100 000 établissements recevant du public devaient être accessibles, et, malgré un temps d'adaptation supplémentaire accordé, 900 000 ne le sont toujours pas aujourd'hui. Et pour cause, 70 % des dérogations demandées ont été accordées !

Un nombre croissant de personnes handicapées

La question va au-delà. Elle trahit chez nos vaillants compatriotes le manque d'envie de jouer le jeu ou tout simplement leur choix d'ignorer le handicap. Pourtant, le nombre de Français concernés, soit 12 millions, va croître au cours des prochaines années en raison de l'allongement de l'espérance de vie. En outre, d'ici 2050, 2 millions de jeunes seront vraisemblablement frappés par une surdité plus ou moins grave. Mais nos concitoyens regardent ailleurs.Comme la maladie, le handicap fait peur et pourtant il n'est pas contagieux ! 

Handicap : tous concernés !

Fort de ce constat, la solution à ce problème passe par l'explication, la sensibilisation, voire par des campagnes nationales ou sectorielles afin de changer le regard de chacun. C'est peut-être un parcours du combattant mais la loi seule n'y pourra rien ! Le handicap frappe au hasard et chacun doit se sentir concerné car la vie n'est pas un long fleuve tranquille : un accident, une maladie, ou simplement le vieillissement et la vie peut basculer d'un seul coup pour chacun d'entre nous ! 

Le 7e art peu accessible

Un exemple pour illustrer le manque d'empathie ambiant : un sourd ou un malentendant peut-il aller aisément au cinéma voir des films français ? La réponse est non. À un certain niveau de surdité, le sous-titrage devient nécessaire. Est-ce que le public bien-entendant est prêt à l'accepter ? La réponse est presque non ! Est-ce que les distributeurs de films vont risquer de perdre une fidèle clientèle ? La réponse est encore non, ou le moins possible ! À ce jour malgré des efforts notables, l'accessibilité cinématographique n'est pas au rendez-vous sauf à y aller, par exemple, à des heures inconfortables et uniquement sur certains films qui auront été choisis par les distributeurs, pas par les spectateurs... En termes de justice sociale, c'est le monde à l'envers ! 

Des adaptations utiles pour tous

Par une plus grande sensibilisation, les acteurs du cinéma sont aujourd'hui plus à l'écoute, et ils ont raison car s'ils réalisent davantage d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap, celles-ci reviendront dans le circuit des salles obscures, et il y a là un potentiel économique important, qu'ils ont bien compris. Certaines, comme Pathé, sont d'ailleurs à la recherche de nouvelles solutions. Le spectateur sans handicap oublie deux choses : la première c'est qu'en vieillissant, il aura peut-être, à terme, besoin d'un sous-titrage et la deuxième, c'est que s'il va voir un film en version originale, il sera heureux d'y recourir.

Ce simple exemple permet de comprendre que, s'il y a plus d'inclusion, il peut y avoir plus de ressources financières dans le réseau économique. Ce qui se passe pour le cinéma se passe aussi dans la vie quotidienne pour la télévision où certaines chaînes sous-titrent intégralement, d'autres à certains horaires ou, enfin, pas du tout... et pourtant le malentendant, lui, l'est 24 h sur 24 !

L'acceptabilité sociale : un accélérateur de l'accessibilité

Pour autant, l'acceptabilité sociale secteur par secteur est indubitablement l'accélérateur de l'accessibilité, car l'explication martelée entraînera sans doute davantage de compréhension et de bienveillance. Cette bienveillance qui nous manque tant pour l'acceptation de la différence de l'autre ! Le handicap, ne l'oublions jamais, c'est une triple peine : personnelle et familiale, professionnelle et sociétale. Et personne ne demande à vivre avec ; c'est à mon sens la plus grande des injustices humaines et des inégalités sociales !

© 1857643 de pixabay

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