Un maçon, qui s'occupait seul de sa femme malade et de sa fille, très dépendante, comparaîtra libre devant la cour d'assises pour le plus grave des crimes prévus par le code pénal, l'assassinat. Il encourt la prison à vie. Le drame se noue dans le village de Boulancourt, à 80 kilomètres au sud de
Paris, le 3 janvier 2011. Après avoir regardé la télévision en famille et couché sa fille vers 20h30, l'homme se rend dans sa chambre, place sa main sur sa bouche et l'étouffe. C'est vers 2h du matin qu'il réveille sa femme, et avoue.
Un « crime d'amour »
« C'est un crime d'amour, une affaire qui sort de l'ordinaire", a déclaré à l'AFP son avocat, Me Hubert Delarue, qui attend "non pas de l'indulgence, mais de la compréhension » de la cour d'assises. Née prématurée, Johana était tétraplégique, épileptique et souffrait d'un fort retard mental. Portant des couches, ne pouvant pas rester assise, elle dépendait totalement de ses parents, et du centre spécialisé où elle passait ses journées. Toute la responsabilité reposait sur son père, sa mère étant
maniaco-dépressive. Régulièrement hospitalisée, ses traitements l'avaient rendue amorphe. Devenu " »dépressif et inquiet », cet homme voulait tuer sa femme puis se donner la mort après avoir étouffé sa fille, « mais il n'en a pas eu le courage », relate son avocat. Il avait fait un virement de 10 000 euros sur le compte en banque de sa mère, pour payer les obsèques de toute sa famille. « C'est une accumulation de pressions qui l'a amené à mettre fin aux jours de son enfant », décrit l'avocat.
Aimant mais épuisé
L'idée d'en finir trottait dans la tête de ce maçon d'origine brésilienne depuis plus d'un an, après une énième hospitalisation de sa femme. Peu à peu, elle « s'imposait à lui comme la seule solution », noteront les enquêteurs. Sa femme le dépeint en père aimant, dira de lui qu'il adorait sa fille et s'en occupait quotidiennement, comme son entourage. A ses proches, Johana apparaissait heureuse et souriante, et progressait rapidement au centre de rééducation où elle avait été admise. Ce père aimant comme le décrivent les psychiatres, était aussi un homme « épuisé », laminé, qui ne prenait plus ses antidépresseurs et se réfugiait dans l'alcool. Il aurait refusé à plusieurs reprises l'aide extérieure. Celle de l'équipe médicale du centre où Johana était prise en charge, qui lui avait proposé de l'accueillir certaines nuits, celle de sa famille, avec laquelle il restait très discret sur ses difficultés ou encore celle d'une collègue, à laquelle il avait pourtant lancé un SOS, lui expliquant ce qu'il comptait faire. Il aurait aussi refusé de chercher une aide à domicile, qui aurait peut-être pu soulager son quotidien.
L'expertise psychiatrique devrait permettre d'en savoir plus lors du procès, l'un des spécialistes ayant estimé lors de l'enquête que son discernement était "altéré" lors des faits et qu'il n'était que « partiellement accessible à une sanction pénale ». Le procès est prévu jusqu'à jeudi 20 mars.